Renouveau de la désensibilisation avec l'arrivée des comprimés
Auteur : Stéphanie Lavaud
19 mars 2013
Lille, France - Depuis sa description il y a une centaine d'années par Noon puis par Freeman, l'immunothérapie n'a cessé de progresser dans le traitement des maladies allergiques. Le développement de voies d'administration alternatives à la voie injectable et de formes galéniques modernes d'une part, la meilleure validation clinique de la pratique, d'autre part, permettent d'envisager de nouveaux axes de développement dans la prise en charge des maladies allergiques respiratoires. Retour sur les développements en cours avec le Pr Alain Didier (Toulouse) lors d'une session « où en est-on dans l'immunothérapie sublinguale ? » à l'occasion du 17eme congrès de Pneumologie de langue française [1].
Voie sublinguale : des gouttes aux comprimés
Parmi les grandes avancées de l'immunothérapie figure la diversification des voies d'administration : on est passé de la voie injectable à la voie sublinguale sous forme de gouttes (notamment pour les allergènes inhalés). Cette voie sublinguale a d'ailleurs connu en une dizaine d'années un développement rapide en allergie respiratoire, en raison de sa simplicité d'administration et de l'absence d'effets secondaires graves rapportés.
« Longtemps controversée notamment en Amérique du Nord, elle a fait l'objet d'une publication favorable dans le New England Journal of Medicine [2] accompagnée d'un éditorial [3] et d'une méta-analyse dans Chest [4], 2 revues scientifiques habituellement très critiques vis-à-vis de l'allergologie » fait remarquer le pneumologue toulousain.
La toute dernière évolution tient à une nouvelle galénique : les comprimés à délitement sublingual, notamment pour l'allergie aux pollens de graminées.
ITS sous forme de comprimés
Deux spécialités sont disponibles : Grazax® (fléole des prés) des laboratoires ALK-Abelló et Oralair® (ivraie, pâturin, fléole, dactyle et flouve) développé par Stallergènes.
Une petite révolution en termes de statut, puisque jusqu'à présent les traitements de désensibilisation des rhinites et conjonctivites allergiques déclenchées par les pollens de graminées consistaient en des allergènes préparés spécifiquement pour un seul individu (APSI), à commander au laboratoire sous forme d'injections selon un protocole astreignant.
Les comprimés disposent d'une autorisation de mise sur le marché - les APSI n'en ont pas - et présentent l'avantage de n'être administrés en cabinet médical que la première fois afin d'évaluer la survenue éventuelle d'effets indésirables. Par la suite, le patient prendra à son domicile son comprimé quotidien trois ans durant. « Une modalité plus simple, susceptible d'ouvrir la porte à des prescriptions plus nombreuses » juge le spécialiste.
Enfin, en matière de principes actifs, les extraits sont désormais parfaitement connus, calibrés. « Certains essais testent même des allergènes recombinants ».
Un bon niveau de preuve
« En plus de la galénique et du statut, l'immunothérapie est passée sur le plan clinique de l'expérience-based à l'evidence-based medicine », signale le Pr Didier.
Le développement de comprimés à dissolution sublinguale a donné lieu à la réalisation d'essais cliniques répondant aux critères méthodologiques des essais médicamenteux : études multicentriques, double aveugle contre placebo avec recherche de la dose optimale efficace et portant sur un effectif important de patients (en moyenne plus de 600 par essai). Les principaux essais actuellement publiés concernent la rhinite allergique au pollen de graminées et ont été effectués avec des comprimés contenant des extraits allergéniques soit d'une, soit de 5 graminées [5, 6, 7].
« Les résultats de ces grandes études confirment notamment, la nécessité d'utiliser de fortes doses pour obtenir une efficacité » indique le Pr Didier.
Deux études multicentriques à grande échelle (plus de 250 patients inclus) ont également été effectuées en pédiatrie avec des comprimés d'allergènes de pollen de graminées [8,9] chez des enfants présentant une rhinite allergique à ces pollens. « Les résultats se sont avérés identiques dans la tranche des 5-11 ans et dans celle des 12-17 ans » précise l'orateur.
Des effets à long terme et sûrs
Derniers arguments de taille en faveur de l'ITS sublinguale : l'effet de la désensibilisation se poursuit au-delà du traitement, soit pendant 3 saisons d'administration plus 1 ou 2 saisons qui suivent le traitement. Quant à la sécurité de ces traitements : elle est bonne malgré un grand nombre d'effets secondaires mais locaux, transitoires, de courte durée. « Ils s'estompent au fur et à mesure des saisons polliniques » note le Pr Didier. Un arrêt du traitement est observé dans 5 à 6 % des cas.
De nouveaux développement sont attendus avec d'autres types d'allergènes comme les acariens et aussi en préventif et en curatif dans l'asthme.