Des hypothèses pour expliquer les épidémies hivernales
Ce n’est pas un mythe : on meurt chaque année plus souvent en hiver qu’en été. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les expressions « passer l’hiver » ou « attraper
» ont su traverser l’histoire et sont encore employées aujourd’hui. En 2006, une étude1 a ainsi évalué à 15 000 le nombre de décès supplémentaires survenant chaque année à cette période de l’année. Cet excédent est en partie lié à une hausse du nombre de maladies respiratoires comme la grippe, le rhume ou la bronchite. Quelle explication a été avancée en premier lieu par la communauté scientifique ? La promiscuité.
Confinement et manque d'aération
En 2009, en France, l’Institut de veille sanitaire sur la physiologie du
a ainsi tranché pour cette hypothèse pour expliquer les épidémies hivernales2. « La tendance à la concentration de la population dans des espaces confinés et peu ventilés (lorsqu’il fait
) augmente le risque d’infections croisées », indique-t-il. En d’autres termes, si on tombe malade l’hiver, c’est parce qu’on se blottit les uns contre les autres près de la cheminée ou que nous fréquentons davantage les lieux de collectivité que sont les magasins, les restaurants, les transports en commun, les bureaux... Le confinement et le manque d’aération sont certes des éléments déterminants mais ne peuvent expliquer totalement les épisodes épidémiques.
Plus de virus dans l'air ?
Une autre explication a été avancée : il y aurait plus de virus dans l’air en hiver. Cette hypothèse est particulièrement difficile à prouver compte tenu de la taille microscopique des virus et de notre faible outillage en la matière. Une équipe sud-coréenne est néanmoins parvenue à analyser l’air qui nous entoure et a publié ses résultats3. Ces chercheurs ont travaillé sur trois sites différents : un quartier résidentiel de Séoul, une forêt et un complexe industriel. Leur expérimentation consistait à filtrer tous les éléments de l’air inférieurs au micromètre, puis d’en extraire l’ADN éventuel et d’en étudier les séquences. Le résultat est bluffant : dans un mètre cube d’air, on trouve entre 2 et 40 millions de virus ! Ainsi, sans le savoir, nous inhalons jusqu’à 400 000 virus par minute. Pas de panique cependant, puisque l’extrême majorité de ces virus ne nous concerne pas. Il ne faut pas oublier que les virus sont spécifiques aux espèces qu’ils attaquent : il en existe contre les arbres, les champignons et même… contre les bactéries ! L’enseignement majeur de cette étude réside en fait dans les variations observées. Et celles-ci ne sont pas liées aux sites de collectes mais aux saisons auxquelles les relevés ont été effectués. Ainsi, le taux de virus dans l’air atteint indéniablement un pic en janvier, avant de décliner progressivement après le printemps.
Nous avions donné une première explication à ce phénomène dans la première partie de cet article avec la survie augmentée des virus « enveloppées » en période de
. En 2008, des chercheurs avaient tenté de la démontrer avec une expérience sur des cochons d’Inde malades et non malades4. Pour ce faire, ils ont étudié la propagation du virus en variant la température et l’humidité. Il s’est avéré qu’une température de 5°C et un degré d’humidité de 20% étaient idéales pour la transmission virale. D’autres chercheurs ont essayé d’apporté des éclaircissements au phénomène. Philip Rice, de l’Hôpital Saint-Georges de Londres, a suggéré dans une étude le rôle des UV dans la réduction des épidémies. Selon lui, ces rayons dégraderaient naturellement les virus. Or, au cours de l’hiver, l’ensoleillement est minimal, et donc l’exposition des virus à ces rayons également. Cela expliquerait pourquoi ils sont présents en plus grand nombre dans l’air…
Efficace le masque ?
Si les virus sont plus nombreux dans l’air en hiver, pourquoi ne pas porter un masque lorsque l’on se rend dans un espace public confiné ? L’idée est séduisante sur le papier (bien qu’inesthétique) mais s’avère en réalité décevante en pratique. D’abord parce qu’il existe de nombreuses contrefaçons, et qu’il faut veiller à n’acheter que des masques agréés (FFP2 ou chirurgicaux). Ensuite, parce qu’ils ne sont jamais efficaces à 100%, les virus étant largement capables de passer au travers5. L’avantage est qu’ils bloquent efficacement les « gouttelettes » de salive projetées par la toux. Enfin, leur durée de protection est faible : de trois à six heures6. En fait, ils devraient être réservés en cas de pandémie grippale.
Un système immunitaire plus faible l’hiver ?
Les virus seraient donc plus nombreux l’hiver… Et si, en plus, nous étions plus vulnérables à cette époque de l’année ? Cette théorie historique, mais jamais complètement prouvée par la communauté scientifique, a toujours la côte.
Il existe de nombreux mécanismes pour nous prémunir des virus, et notamment ceux qui se transmettent essentiellement par voie aérienne. Ainsi, les cavités nasales et les sinus sont tapissés d’un revêtement (la muqueuse nasale) qui fabrique du mucus. Celui-ci a pour rôle de piéger les bactéries, virus ou autres microbes qui emprunteraient ce chemin. Mais cette barrière serait amoindrie l’hiver. Lorsque nous inspirons de l’air
, de nombreux vaisseaux sanguins le réchauffent en lui transmettant la chaleur du sang. C’est à cause de ce phénomène que nous avons le nez rouge quand il fait
. Mais ce transfert de chaleur humidifierait l’air au détriment de la paroi nasale, rendant l’accès aux virus et bactéries plus aisée. Il ne s’agit pas de la seule hypothèse dans le genre : certains estiment que le
ralentirait le système immunitaire ou le rendrait moins réactif. D’autres pensent que le
irriterait les voies nasales et bronchiques, tandis que le manque de lumière caractéristique de la saison hivernale aurait un rôle néfaste sur l’immunité. A ce jour, il reste difficile de prouver la validité de ces hypothèses, mais il y a fort à parier que les années à venir seront riches d’enseignements en la matière…
De la vitamine C pour renforcer son organisme ?
Prendre de la vitamine C pour éviter les rhumes, une idée reçue ? Pas sûr ! Une étude7 a montré que des doses de 250 mg à 1 g de vitamine C par jour, de 3 à 8 semaines juste avant et pendant l’hiver, pouvaient réduire le risque de contracter un rhume. En revanche, elle serait inefficace pour en réduire la durée ou la gravité.
Martin Lacroix