Le tabac n’attaque pas seulement nos poumons
Quand on dit "maladie de la cigarette", on pense "cancer du poumon". Ce n’est pourtant pas - loin s’en faut - la seule pathologie liée à sa consommation. Des lèvres à la vessie, en passant par l’œsophage, on retrouve le tabac même là où on ne l’attend pas.
Les campagnes de prévention, longtemps axées sur la menace du cancer du poumon – aussi appelé "cancer du fumeur" –, ont parfois occulté une évidence : cette maladie n’est qu’une des nombreuses pathologies liées à la consommation de tabac.
"La cigarette affecte quasiment tous les organes, explique le Dr Jean-Noël Dubois, tabacologue à Angers (Maine-et-Loire), spécialisé dans les actions de prévention en entreprise. Du monoxyde de carbone contenu dans la fumée, qui se fixe sur les globules rouges et perturbe la circulation de l’oxygène, aux résidus divers qu’il faut éliminer par les voies naturelles, la palette des nuisances est impressionnante."
Le tabac dégrade également fortement le système cardiovasculaire. "Le déficit d’oxygène endommage le muscle cardiaque, souligne le Dr Dubois. L’accumulation de dépôts gras réduit le diamètre des vaisseaux et des artères, limitant l’apport de sang. Le cœur bat plus vite pour compenser et s’use donc davantage." Fumer augmente ainsi de 70 % le risque d’infarctus…
Des brûlures chroniques
Outre les effets connus sur l’appareil respiratoire (toux, bronchite chronique, perte de souffle, cancer du poumon…), l’ensemble de la sphère ORL est tout autant atteint. La combustion du tabac produit des effets toxiques sur les organes proches de la cigarette : les lèvres et la langue souffrent de brûlures chroniques. La chaleur altère les muqueuses, entraînant une destruction des papilles olfactives, une altération des cordes vocales, une moindre possibilité de défense contre les agressions microbiennes.
Le système digestif n’est pas épargné : l’œsophage est malmené par les goudrons lourds et autres produits de la combustion du tabac. L’ulcère gastrique est plus fréquent et plus tenace chez les fumeurs. Les artères du cerveau sont également touchées. Des troubles de conscience, des vertiges, des troubles de la parole et des sens, des paralysies diverses sont fréquemment observés chez les gros fumeurs.
Le rein et la vessie souffrent aussi. Le premier filtre et concentre les produits toxiques du tabac qui passent dans le sang ; la seconde conserve l’urine chargée de ces produits toxiques entre deux mictions. Quant à la peau, elle est doublement dégradée : par la fumée en externe et par la mauvaise vascularisation en interne. Cela donne aux fumeurs ce teint grisâtre et cette mauvaise qualité de derme caractéristiques.
Un inventaire à la Prévert
"Des petites gênes aux multiples cancers (gorge, lèvres, langue, vessie…), en passant par les affections de l’œil (cataracte, dégénérescence maculaire liée à l’âge) et les troubles sexuels - l’impuissance est deux fois plus fréquente chez les fumeurs -, la liste des méfaits du tabac est un inventaire à la Prévert", résume Jean-Noël Dubois.
Mais le médecin insiste sur un élément capital : "Les solutions existent pour libérer de cet esclavage les fumeurs qui le souhaitent vraiment. On dispose d’outils efficaces pour éviter les désagréments du manque, gérer les sensibilités anxieuses ou dépressives, stabiliser le poids, libérer le fumeur de ses dépendances. Bien encadrés, bien conseillés, sept fumeurs sur dix arrêtent définitivement."
Un choix d’autant plus profitable que la plupart des dégradations liées au tabac sont réversibles dans des délais relativement courts (lire encadré). Cela vaut la peine d’essayer !
Témoignage
J’avais entendu parler du cancer du poumon, des risques de bronchite chronique et d’infarctus. Je m’attendais à tout… sauf à ça. Il y a quatre ans, j’ai commencé à avoir des problèmes d’érection. Ça venait moins souvent et surtout, ça ne tenait pas…", raconte en souriant Pierre, 44 ans, architecte.
A l’époque, je ne rigolais pas du tout, poursuit-il. Je n’ai pas compris tout de suite. Je me demandais si c’était lié à l’âge ou à quelque chose de plus grave. J’ai commencé à travailler du chapeau – ce qui n’arrangeait pas la situation.
Lorsque mon médecin m’a dit qu’il pouvait y avoir un lien avec mes deux paquets quotidiens, je n’y croyais pas. Quel rapport entre la fumée de cigarette et mon sexe ? Il m’a expliqué que le monoxyde de carbone gêne la circulation de l’oxygène dans le sang et que les goudrons bouchent les vaisseaux – notamment ceux qui permettent l’érection.
Ça a fait tilt. On a élaboré sur-le-champ un programme d’arrêt. Je n’ai plus touché une cigarette depuis trois ans. Aujourd’hui, je me sens en meilleure forme qu’à vingt ans ! Je n’ai qu’un seul regret : ne pas l’avoir fait plus tôt