Georges nous explique qu'au début de sa carrière, il a travaillé au contact de l'amiante. Il y a quelques semaines, son médecin lui a diagnostiqué des plaques pleurales, en lui indiquant que cette pathologie était en lien avec l'amiante. Peut-il obtenir une indemnisation ? L'amiante, fibre minérale surtout employée comme isolant, est très nocif pour l'appareil respiratoire, et lors de leur travail, des milliers de personnes ont pu développer des maladies bénignes, comme les plaques pleurales dont est atteint Georges, mais aussi très graves, comme le cancer des poumons ou le mésothéliome (cancer de la plèvre). Elles sont dénommées victimes professionnelles. Dans ce cas, elles sont susceptibles d'être prises en charge par la Sécurité sociale, au titre d'une maladie professionnelle.
Y a-t-il une procédure particulière à suivre ?Les maladies liées à l'amiante, comme d'autres maladies professionnelles, sont inscrites dans des tableaux définis par le code de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM), qui précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie et énumèrent les affections provoquées.
Pour être reconnu au titre d'une maladie professionnelle, il suffit donc pour la victime d'établir qu'elle est atteinte d'une pathologie inscrite dans un tableau et qu'elle a pratiqué une activité qui y est décrite.
La pathologie sera précisée dans le certificat médical initial, établi par le médecin de la victime, comme en matière d'accident de travail. Ensuite, Georges saisira la CPAM dont il dépend par le biais d'une déclaration de maladie professionnelle.
La caisse a trois mois pour se prononcer. Si elle reconnaît la maladie, Georges bénéficiera du même type de prestations que pour un accident du travail : prise en charge des soins de toute nature et versement d'une indemnité lui permettant de recevoir un niveau de revenus le plus proche possible de son salaire habituel.
Après stabilisation de son état de santé, la caisse pourra lui attribuer un taux d'incapacité et lui verser une indemnité forfaitaire correspondant à l'indemnisation de ses séquelles physiques. Si son état s'aggrave, il pourra de nouveau s'adresser à la CPAM, qui dans tous les cas de maladie professionnelle assure un suivi médical.
Simon, atteint d'une fibrose pulmonaire reconnue en tant que maladie professionnelle, nous explique que, depuis l'apparition de sa maladie, il souffre tant physiquement que moralement et a l'impression de ne plus profiter des mêmes choses qu'auparavant. Il se demande si cette situation peut être indemnisée.En 2000, face aux préjudices subis par les victimes de l'amiante, les pouvoirs publics ont créé le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA). Cet établissement public indemnise l'ensemble des victimes de l'amiante, selon un barème construit en fonction du taux d'incapacité (fixé avec des principes qui lui sont propres) et de l'âge de la victime.
Contrairement à la Sécurité sociale, qui ne répare que le préjudice fonctionnel, le FIVA fonctionne sur le principe de la réparation intégrale et indemnise :
le préjudice patrimonial : la perte de salaire et le préjudice fonctionnel, comme la Sécu ,
le préjudice extrapatrimonial : le préjudice moral (l'aspect psychologique, l'angoisse créée par la maladie), le préjudice physique (la douleur), le préjudice d'agrément (le retentissement de la maladie sur les activités pratiquées avant : le sport, les loisirs...) et éventuellement le préjudice esthétique.
Ainsi, Simon, reconnu en maladie professionnelle, peut saisir le FIVA en envoyant un formulaire téléchargeable sur le site Internet
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], accompagné des pièces demandées. Après instruction de son dossier, le FIVA sera susceptible de lui proposer une offre d'indemnisation.
S'il n'avait pas été reconnu en maladie professionnelle, pourrait-il tout de même s'adresser au FIVA ?L'avantage du FIVA est qu'il indemnise aussi les victimes dites "environnementales". Soit parce que la Sécurité sociale n'a pas reconnu le caractère professionnel de la maladie, soit parce que les victimes ont été exposées en dehors de leur activité professionnelle.
Ces victimes sont souvent des épouses de travailleurs en contact avec l'amiante qui ont lavé leurs vêtements de travail pendant des années ou des personnes résidant près d'usines fabriquant de l'amiante.
Dans ces cas, au sein du FIVA, il existe deux options :
soit la personne est atteinte d'une des pathologies spécifiques amiante définies par un arrêté (plaques pleurales, mésothéliome) et la procédure devant le FIVA est simplifiée ,
soit c'est une autre maladie et c'est la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante qui se prononce sur le lien entre maladie et amiante.
Pierre a été indemnisé pour sa maladie liée à l'amiante mais il considère que son exposition est liée à la négligence de son employeur, qui n'a rien fait pour le protéger. Il se demande s'il peut le mettre en cause.En principe, selon le code de la Sécurité sociale, aucune action en réparation des conséquences d'une maladie professionnelle ne peut être exercée contre un employeur, sauf si celui-ci a commis une faute inexcusable.
Une faute inexcusable de l'employeur est caractérisée, depuis les arrêts rendus par la Cour de cassation en 2002, quand l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. C'est ce qui a été décidé dans les récentes affaires Michelin et Aéroports de Paris
Le salarié a deux ans à compter de la reconnaissance de sa maladie professionnelle pour agir en faute inexcusable de l'employeur devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale. Il peut obtenir une majoration de sa rente et la réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux.
Chronique juridique de Marion Jorand.