Fumeurs, vous pouvez donner vos poumonsFace à la pénurie d'organes, les experts britanniques recommandent de greffer, aussi, les poumons prélevés sur des grands fumeurs.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]meurs, vous pouvez donner vos poumons
Les fumeurs? Ce sont des citoyen(ne)s comme vous et moi. Ils sont certes dépendants sévères au tabac, dotés d’une fonction pulmonaire inférieure à la normale, nettement plus exposés que la moyenne au risque de cancer broncho-pulmonaire et à la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Pour autant rien n’interdit plus, bien au contraire, qu’ils entrent eux aussi dans la grande chaîne de solidarité biologique du don post mortem.
Telle est la conclusion d’un vaste travail coordonné par le Pr Robert Bonser (Queen Elizabeth Hospital, Birmingham, University of Birmingham). Il était destiné à mettre un terme à des controverses ayant fait suite à des cas de décès survenus peu après des greffes de poumons prélevés sur des fumeurs. Ses conclusions viennent d’être
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Les auteurs ont travaillé à partir des données du registre national britannique des greffes d’organes. Plus précisément sur les cas de survie observés chez les 2.181 personnes qui étaient en attente de greffe de poumons entre le 1
er juillet 1999 et le 31 décembre 2010. Parmi elles, un peu moins de la moitié (1.295) ont bénéficié de greffons pulmonaires prélevés chez des cadavres de donneurs ayant un passé de fumeurs.
Les analyses statistiques rétrospectives montrent que les receveurs de poumons précédemment fumeurs ont un risque de 46% supérieur aux autres de mourir dans les trois ans qui suivent la greffe. Mais ce risque est néanmoins de 21% inférieur à celui de mourir si la personne à greffer reste inscrite sur une liste d’attente.
Cette différence est particulièrement marquée lorsque les receveurs en attente de greffe souffrent d’une fibrose ou d’une maladie pulmonaire à caractère infectieuse. Les auteurs ne masquent donc nullement l’impact négatif associé à une greffe de poumons de fumeurs. Mais, avec le pragmatisme qui caractérise souvent le corps médical britannique, ils estiment, tout bien pesé, qu’aucune raison ne justifierait d’exclure les consommateurs de tabac du pool de donneurs potentiels.
Pour le professeur Bonser, il est clair que refuser à la greffe les poumons des fumeurs conduirait à augmenter les taux cumulés de mortalité des personnes en attente de greffe pulmonaire. En clair, mieux vaut encore des poumons de fumeurs que pas de poumons du tout; à l’échelon individuel comme à l’échelon collectif.
Les statistiques ne sauraient faire oublier l’éthique. Les auteurs soulignent ainsi l’importance qu’il faut accorder à l’information complète que doivent recevoir les personnes en attente de transplantation. Les équipes spécialisées devront ainsi leur exposer les différents éléments du dilemme; à savoir qu’elles auront des chances réduites de survie si elles acceptent des poumons ayant déjà connu le tabac - mais qu’à les refuser elles réduiraient leurs chances globales de survivre.
Bien évidemment les conclusions des auteurs du
Lancet ne seraient pas les mêmes si le Royaume Uni (comme tous les pays développés) n’était confronté à une pénurie importante et chronique d’organes pouvant être greffés. Mais dans le contexte actuel, les atermoiements ne sont pas de saison.
Les conclusions et le bon sens statistique britanniques sont-ils exportables? Les Drs Shaf Keshavjee et Marcelo Cypel (University Health Network, Toronto, Ontario), deux responsables d’un programme de greffes pulmonaires au Canada, ne le pensent pas. Selon eux les avantages observés à partir de greffes de poumons de fumeurs peuvent varier selon les centres chirurgicaux, les pays et les conditions de prélèvements sur les cadavres.
En France, le
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Ces greffes sont réalisées depuis vingt-cinq ans et les malades concernés inscrits sur la liste nationale d’attente souffrent le plus souvent de BPCO, de mucoviscidose, de fibrose et d’hypertension artérielle pulmonaires. Les fumeurs français sont-ils
a priori acceptés en tant que donneurs de poumons ? L’Agence de la Biomédecine ne répond pas précisément à la question. On y indique que d’une manière générale aucune personne n’est a priori exclue du don pour des questions d’âge ou d’état de santé:
«Si certaines maladies ou certains traitements médicaux peuvent constituer un frein au prélèvement, ce dernier sera néanmoins envisagé si l’on identifie, sur la liste d’attente, un malade à qui la greffe de l’organe, avec ses caractéristiques et ses imperfections, apportera plus de bénéfices que de risques. Par exemple, un organe atteint d’une hépatite B peut être greffé à un patient qui a déjà fait face à cette maladie par le passé, ou encore à un patient qu’il faut greffer en extrême urgence car sa vie en dépend; l’hépatite est alors traitée après la greffe. Dans tous les cas, le patient est informé des enjeux et il doit donner son autorisation en toutes connaissances de cause avant d’être greffé.»
La question des fumeurs-donneurs de poumons pourra opportunément faire l’objet de questions d’actualités le 22 juin 2012 date où la «Journée nationale dédiée au don et à la greffe d’organes» se transformera en «Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, et
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Jean-Yves Nau