Microbiote pulmonaire : une nouvelle approche dans l’asthme et la BPCO ?
Stéphanie Lavaud
Auteurs et déclarations20 mars 2014
Marseille, France – Longtemps négligé, voire ignoré, le microbiote pulmonaire dont l’origine est à la fois environnementale et intestinale, commence à faire l’objet d’études. Des liens entre sa composition et des pathologies comme l’asthme ou la BPCO sont explorés. Néanmoins, ce sujet émergent et passionnant est loin d’être défriché.
Le microbiote pulmonaire existe « Contrairement au microbiote intestinal qui est très étudié depuis quelques années déjà, la flore du poumon est un terrain d’investigation beaucoup plus récent, a rappelé le
Dr Hervé Mal (pneumologue, hôpital Bichat) lors du
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] [1]. En effet, pendant longtemps l’arbre aérien sous glottique a été considéré comme un microenvironnement stérile chez les sujets sains. Une croyance qui explique le retard d’intérêt porté au microbiote pulmonaire. »
Pourtant, il existe bien un microbiote pulmonaire chez les sujets sains - qui n’est pas juste la dispersion du microbiote de l’oropharynx. On sait désormais que :
- - l'arbre aérien n'est pas stérile chez les sujets normaux,
- - la composition du microbiote diffère selon l'état normal ou pathologique,
- - et dépend aussi du site de prélèvement et le type de prélèvement (aspiration, expectoration, LBA, tissu).
Microbiote : ensemble des micro-organismes (microflore) qui colonisent les surfaces épithéliales et muqueuses exposées à l'environnement extérieur : peau, oropharynx, vagin, poumon, intestin...
Microbiome : aire de vie des micro-organismes vivants présents dans un organe/tissu (microbiote) ou la collection de leurs génomes et leurs interactions dans un environnement donné. |
Des arguments en faveur d’un lien microbiote et asthme Si des arguments cliniques et des travaux expérimentaux chez les rongeurs font état de lien entre microbiote digestif et allergie respiratoire, y-a-t-il des arguments en faveur d’un rôle de la flore dans les deux pathologies pulmonaires que sont l’asthme et la BPCO ? Il semblerait que oui.
Dans l’asthme, la question de l’influence du microbiote remonte à l’hypothèse hygiéniste avec le postulat suivant « Moins on est exposé à des microbes, plus on développe des allergies (asthme, rhinites) » explique le
Pr Nicolas Roche (pneumologue, Cochin/Broca/Hôtel-Dieu). Elle tend aujourd’hui à être démontrer chez l’animal et chez l’homme. A l’appui, des expériences de recolonisation menées chez des souris sensibilisées à l’ovalbumine qui montrent une hyper-réactivité bronchique plus importante et plus d’inflammation respiratoire lorsque les souris sont germ-free (dénuées de micro-organismes à l’origine), mettant ainsi en évidence un lien physiopathologique entre flore normale et apparition d’allergies.
Chez l’homme, de plus en plus d’études s’intéressent à cette relation. Mais les résultats ne vont pas tous dans le même sens.
Ainsi, dans un essai mené chez les nouveau-nés de 1 mois, la flore des voies aériennes a été mise en culture avec un suivi de 5 ans [2]. Il a été montré que les enfants présentant des épisodes sifflants étaient plus colonisés par des micro-organismes que les enfants sans épisodes sifflants. « Là encore, une démonstration élégante d’un lien entre microbiote et asthme même si les résultats sont parfois discordants » assure le Pr Roche.
Peu à peu, d’autres essais sont venus à l’appui de cette hypothèse.
Chez des sujets asthmatiques, le brossage bronchique montre un nombre plus important de bactéries et une plus grande diversité que chez les non asthmatiques [3]. En procédant à une analyse plus poussée, certaines bactéries semblent même spécifiques de l’hyper-réactivité bronchique.
Idem quand on analyse la flore à partir d’expectorations induites, puisque les chercheurs ont montré un profil bactérien différent entre asthmatiques et non asthmatiques, avec une plus grande diversité bactérienne chez l’asthmatique.
Quid de la cortico-sensibibilité ? Là encore selon que l’on est face à un asthme cortico-résistant ou cortico-sensible, le profil bactérien diffère [4].
Spécificité bactérienne de la BPCO Retrouve-t-on ces mêmes arguments en faveur d’un rôle du microbiote dans la BPCO ?
« Expectoration, lavage alvéolaire, aspiration, tissu… les résultats varient selon l’endroit où l’on prélève et selon la technique de prélèvement, il faut donc faire attention à la façon dont l’on interprète les observations », signale le Pr Roche.
Néanmoins, dans la BPCO, la mucoviscidose, chez les fumeurs et les non-fumeurs, on retrouve une constante, à savoir, une même quantité et même diversité de micro-organismes mais un profil bactérien différent [5]. Autrement dit, « dans chacun de ces groupes, on retrouve un phénotype clinique commun, mais un phénotype microbiotique très variable, considère le Pr Roche. Contrairement à la pathologie asthmatique, il semble qu’il n’y ait pas de différence quantitative de la flore microbienne dans la BPCO, mais une différence qualitative (que l’on retrouve aussi dans l’asthme)».
Quelles pistes thérapeutiques cela ouvre-t-il ? Ces observations ont-elles des implications en termes de traitement ? Le microbiote pourrait-il agir via la modification de l’immunité ?
Les quatre options possibles sont : - les probiotiques ; - les prébiotiques (nourriture des probiotiques) ; - les symbiotiques (probiotiques + prébiotiques) ; - la transplantation fécale. |
A ce jour, peu de certitudes. « Quelques arguments expérimentaux, mais cliniquement très faibles, suggèrent que le microbiote pourrait avoir des implications thérapeutiques mais avec beaucoup de conditionnel. De même, les antibiotiques seraient susceptibles d’influer sur le microbiote. Quoi qu’il en soit, beaucoup de progrès restent à faire pour comprendre la signification de ce que l’on observe, et pouvoir ensuite l’utiliser avec un objectif thérapeutique » résume le Pr Roche.