Comment parler de sa maladie à son enfant ? Les réponses de Marcel Rufo
Associations 02/11/2015
Tags : Parole d'expert, Vivre avec la maladie
Annoncer une maladie grave à ses enfants n’a rien de facile. Avec quels mots dire ses maux ? Les réponses du célèbre pédopsychiatre Marcel Rufo.
La façon de s’y prendre varie-t-elle en fonction de l’âge de l’enfant ?
Entre 5 et 7 ans, les enfants découvrent l’idée de la mort. Mieux vaut donc être extrêmement prudent dans la façon de dire les choses, et préférer un énoncé du type : « j’ai une maladie pour laquelle je me soigne ». Entre 7 et 11 ans, l’enfant s’intéresse davantage à l’anatomie et il est plus facile d’évoquer avec lui l’organe malade, tout en expliquant comment on le soigne. A l’adolescence, il est possible de considérer le jeune comme un « partenaire », avec lequel on peut discuter « comme avec un grand ». Enfin, la communication avec les jeunes adultes ne doit pas être négligée. En effet, ils risquent de culpabiliser de la distance qui les séparent du parent malade, et il me paraît pertinent de les inciter à faire passer leurs propres vies en priorité. Toutes ces réponses sont néanmoins très génériques, et bien évidemment, il faut envisager chaque individu au cas par cas.
Y-a-t-il des solutions pour rassurer les enfants, notamment sur l’idée de la mort ?
Récemment, j’ai accompagné une famille au sein de laquelle la mère était atteinte d’une maladie neurodégénérative évolutive. L’aîné des quatre enfants se sentait responsable, le second refusait de parler de la maladie de sa maman, le troisième était très anxieux, quant au quatrième, il semblait indemne. Il faut prendre en compte que chaque enfant réagit différemment, en fonction de sa structure.
Marcel-rufo
Le pédopsychiatre Marcel Rufo
Quelles sont les difficultés rencontrées par les enfants ?
Ils peuvent « surjouer » la volonté d’accompagnement, sur le mode « je n’aurai pas de vie, je n’aurai pas d’enfants… ». C’est la raison pour laquelle il est important, que malgré la maladie d’un des deux parents, la vie de l’enfant continue à se dérouler aussi normalement que possible. C’est très important que le parent en bonne santé vive avec ses enfants comme si l’autre parent n’était pas malade. Qu’il les emmène au cinéma, au théâtre… dans une logique de banalisation de la vie quotidienne. L’autre difficulté à laquelle font face certains jeunes dès lors qu’ils entretiennent des relations compliquées avec le parent malade, c’est la culpabilisation. Ce dernier doit donc tenter de verbaliser le fait que s’il est en mauvaise santé, ce n’est pas à cause des tensions avec son enfant, ou de ses mauvais résultats scolaires…
L’accompagnement des enfants par un pédopsychiatre est-il systématiquement pertinent ?
Non, pas systématiquement. L’option des groupes de parole pour les jeunes est aussi très pertinente, d’autant que cela est parfois plus facile pour eux de réaliser que d’autres traversent la même situation. Tous les enfants n’ont pas forcément envie ou besoin de parler. En revanche, quand l’un des deux parents ou les deux ont perdu pied, l’aide d’un tiers a beaucoup de sens. Pareil pour les enfants très vulnérables ou très angoissés par la disparition de leur parent. Une petite fille m’a demandé un jour si j’étais « un chasseur de nuages noirs ». C’est exactement mon objectif, à savoir faire en sorte que les orages passent, même si bien sûr, il n’y a pas de deuil possible de quelqu’un qu’on aime.