Enquête sur le lien entre l'asthme et la fréquentation des piscines 28 février 2012
Lyon, France - La pratique de l'activité de « bébés nageurs » augmente- t-elle le risque de développer un asthme ? Au cours d'une session sur le pneumologue et l'enfant du
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Pr. Jean-Christophe Dubus (Unité de pneumologie pédiatrique, CHU Timone-Enfants, Marseille) est revenu sur cette question qui a fait l'actualité l'an dernier [
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En début d'année, l'
Office Allemand pour l'environnement a recommandé que les jeunes enfants prédisposés à l'asthme ou aux allergies évitent la piscine. En parallèle, en France, l'
Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et la
Société Française de Pédiatrie (SFP) [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] en particulier chez les enfants de moins de deux ans. En revanche, le
Conseil Supérieur de la Santé de Belgique, un pays particulièrement pourvoyeur d'études sur le sujet, a jugé le niveau de preuve insuffisant pour émettre une recommandation.
Ces avertissements peuvent paraître surprenants car la natation, particulièrement en piscine, reste un sport conseillé chez l'enfant asthmatique sauf en présence d'eczéma ou de rhinite allergique. L'environnement humide et réchauffé de la piscine, la position allongée sans effet sur la pesanteur et la nécessité d'une maîtrise constante de la respiration sont autant d'atouts à mettre au crédit de la piscine.
« Il y a même des papiers anciens et un autre plus récents qui, à certaines occasions, retrouvent une association entre amélioration de la gravité de l'asthme et fréquentation de la piscine », a indiqué l'orateur.
Le pneumopédiatre a, en outre, rappelé que de nombreux asthmatiques sont devenus des champions de natation : Mark Spitz (9 médailles d'or en 1968 et 1972), Dawn Fraser (triple championne olympique), Amy Van Diken (4 médailles d'or), Tom Dolan (médaille d'or en 1996 et record du monde du 400 mètres 4 nages) ou, plus proche de nous, Franck Esposito (32 titres de champion de France).
Les arguments qui suggèrent une association entre asthme et piscine C'est la production de gaz dangereux lors de la désinfection chlorée des piscines qui est à l'origine du débat.
La réaction du chlore avec les produits organiques introduits par les nageurs, notamment la sueur, l'urine, et les squames de la peau provoque la formation de chloramines et en particulier de trichloramines. Ces dernières s'évaporent dans l'air à la surface des bassins sous forme de gaz et sont inhalées par les nageurs. Ce sont ces composés qui sont mis en cause dans l'apparition ou l'aggravation de l'asthme chez les nageurs.
Quelques études, chez l'enfant, ont montré que l'exposition aux trichloramines était associée à une fragilisation des poumons [
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Dans ces travaux, l'atteinte pulmonaire a été révélée par le dosage sanguin de protéines provenant du poumon : la CC16 (protéine de la cellule de Clara : cellule des petites bronches), la SP-A et la SP-B (protéines associées au surfactant). Ces pneumoprotéines permettent de détecter des lésions infra-cliniques du revêtement cellulaire du poumon causées par les trichloramines.
Ces données expérimentales sont confirmées sur le terrain par les déclarations de maladie au titre des pathologies professionnelles notifiées chez les maîtres-nageurs sauveteurs, les agents de maintenance et d'entretien, les agents d'accueil et les éducateurs sportifs de natation (
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En outre, chez les nageurs de haut niveau, une hyperactivité bronchique est retrouvée jusque dans 75% des cas, ce qui peut potentiellement concourir au déclenchement de l'asthme. Parallèlement, comparée à d'autres sports comme le sprint, les sports de force ou la course de fond, la piscine est le sport où l'asthme est le plus présent (RR 10,8 vs respectivement 5,49 et 2,88) [
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Enfin, chez les adolescents qui font de la compétition sans symptômes d'asthme, 73% ont une sensibilisation aux allergènes respiratoires et 50% une hyperactivité bronchique [
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Que disent les études chez l'enfant ?Chez l'enfant, les conclusions des études scientifiques sont contradictoires, peut être en raison des nombreux facteurs confondants, du fait que l'asthme est multifactoriel et qu'il y a indéniablement une difficulté à homogénéiser les populations étudiées (tabac, atopie, lieu de résidence…).
Parmi l'ensemble des études transversales et rétrospectives qui ont été réalisées, une association entre le risque d'asthme chez l'enfant et le temps passé en piscine a été retrouvée en Belgique et en Irlande [
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Toujours en Belgique, une étude sur 430 enfants, d'âge moyen 5,7 ans, a montré que le fait d'être un bébé nageur avant deux ans induisait un risque de bronchiolite aiguë plus important et, dans ce cas, le risque d'asthme et d'allergie respiratoire était majoré si l'enfant fréquentait beaucoup la piscine après l'âge de 2 ans [
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En revanche, en Allemagne, une étude sur plus de 2200 enfants suivis depuis la naissance n'a mis en évidence aucune association entre l'apparition de maladies atopiques et l'âge de la première fréquentation de la piscine [
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. En Hollande, aucun risque d'asthme supplémentaire n'a été retrouvé chez les enfants nageant en piscine [
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Enfin, en Espagne et en Grande Bretagne, deux études de
Laia Font-Ribera sur réciproquement 3223 et 5738 enfants, ont montré que cette activité était, au contraire, protectrice sur l'apparition de l'asthme et sur la fréquence des symptômes en cas d'asthme [
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« Tous ces résultats sont difficiles d'interprétation car les taux de trichloramines sont probablement variables d'une piscine à l'autre, d'un pays à l'autre et d'une étude à l'autre. Parallèlement, l'effet est sûrement aussi fonction du type d'activité et il n'est jamais pris en compte. Un bébé nageur qui barbote n'inhale probablement pas la même quantité de trichloramines que quelqu'un qui va faire une séance de crawl pendant une heure et demie. Enfin, il y a sûrement des cofacteurs importants qui ne sont pas pris en considération », a souligné le Pr Dubus.
Cependant, il existe désormais des éléments qui suggèrent une association entre l'asthme et la fréquentation des piscines, « ce qui doit inciter à la réflexion », a noté l'orateur.
En termes de prévention, il préconise une législation européenne sur le taux de chloramines maximal toléré. « Il a été montré, en Espagne, qu'une séance d'entraînement en piscine de deux heures induisait une exposition supérieure à celle maximale tolérée par jour aux Etats-Unis dans les entreprises. En moyenne, dans une piscine dite couverte, il y a 0,3 à 0,5 mg/m³ de trichloramines », a- t-il souligné. Or, dans son
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], l'AFSSET recommande une valeur limite de 0,3mg/m³ de trichloramines dans l'air.
Parallèlement, Jean-Christophe Dubus appelle à étudier des alternatives à la désinfection au chlore, comme la filtration cuivre-argent qui imposerait, toutefois, une hygiène optimale des baigneurs.
En pratique, le médecin ne met pas de « véto médical » à l'activité de « bébés nageurs ». « Pour l'instant nous n'avons pas de preuve formelle pour dire qu'un bébé nageur sera asthmatique dans 10 ans. Il n'y a pas un faisceau d'arguments suffisant », a-t-il conclu.