De Medscape France
Les cigarettes électroniques ne semblent pas altérer la fonction myocardique
Une petite étude grecque, unique à ce jour, montre que les cigarettes électroniques n'entrainent pas les modifications de la fonction ventriculaire observées avec les cigarettes « classiques ».
Auteur : Stéphanie Lavaud
Munich, Allemagne - Les effets secondaires des cigarettes électroniques, apparues récemment sur le marché comme substituts aux cigarettes classiques, sont mal connus. Une petite étude grecque, présentée par le Dr Konstantinos Farsalinos (Département de cardiologie, Centre de chirurgie cardiaque Onassis, Athènes, Grèce) au congrès de l'ESC 2012, montre, pour la première fois, que les « e-cigarettes » ne semblent pas altérer la fonction cardiaque [1].
De quoi s'agit-il ?
Mise au point en Chine en 2004, la cigarette électronique, généralement fabriquée en acier inoxydable, comporte un réservoir contenant de la nicotine liquide à diverses concentrations, fonctionne avec une batterie rechargeable et ressemble à une vraie cigarette. L'utilisateur aspire comme il le ferait avec une vraie cigarette, mais ne l'allume pas et elle ne produit pas de fumée. Les analyses en laboratoire ont montré une moindre toxicité que les cigarettes ordinaires. La plupart des études n'ont retrouvé aucune nitrosamine, et quand elles étaient présentes, les taux détectés étaient 500-1400 fois moins que la quantité présente dans une cigarette à base de tabac. Pour se faire une idée précise : « il faut utiliser quotidiennement des cigarettes électroniques pour obtenir la même quantité de produits chimiques que dans une cigarette de tabac » a expliqué le Dr Farsalinos.
Pression artérielle, fréquence cardiaque et paramètres échographiques
Arrivée en Europe il y a 5 ans environ, la cigarette électronique s'est développée en tant qu'alternative à la cigarette classique depuis l'interdiction de fumer dans les lieux publics. « Les industriels qui les produisent prétendent que c'est une alternative plus sûre pour la santé mais jusqu'à présent aucune étude ne s'est véritablement penchée sur la question », affirme le Dr Farsalinos.
D'où l'idée de comparer les effets immédiats de la cigarette électronique sur la fonction cardiaque en comparaison avec la cigarette classique.
Les investigateurs ont donc mesuré la fonction myocardique de 20 fumeurs réguliers âgés de 25 à 45 ans avant et après avoir consommé une cigarette et ont comparé ces résultats à ceux obtenus chez 22 utilisateurs réguliers d'e-cigarettes du même âge après une utilisation de 7 minutes.
L'étude de la fonction myocardique par échographie cardiaque et via des mesures hémodynamiques (pression artérielle et fréquence cardiaque) a montré que fumer une cigarette de tabac entraine une dysfonction myocardique aiguë, se traduisant par une élévation significative de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque (+ 8% de systolique, + 6% des diastolique, + 10% de fréquence cardiaque).
En revanche, seule une augmentation de 4% de la pression diastolique est signalée après utilisation d'une e-cigarette. Les mesures par échographie se sont focalisées sur la fonction ventriculaire gauche, significativement altérée par la cigarette, mais inchangée après utilisation de la cigarette électronique.
Pour le Dr Farsalinos, il faut s'intéresser aux mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent cette absence d'altération. Une des explications possibles tient au fait que la nicotine, bien que présente dans le liquide (11mg/ml, NOBACCO USA Mix™) est beaucoup moins absorbée qu'avec une cigarette classique. « Par ailleurs, les analyses toxicologiques d'un laboratoire indépendant n'ont retrouvé ni nitrosamines ni hydrocarbones aromatiques polycycliques avec les e-cigarettes » a ajouté l'orateur.
A première vue, les cigarettes électroniques ont donc un potentiel de toxicité cardiaque plutôt rassurant. Reste tout de même à confirmer ces résultats et à tester l'effet sur la fonction respiratoire avant d'en faire une alternative potentielle de la cigarette. Sachant que leur potentiel addictif est, quant à lui, le même qu'avec les cigarettes classiques. D'autres études sont bien sûr nécessaires pour confirmer ces premiers résultats.
« Fumer des e-cigarettes n'est pas une habitude saine, mais cela vaut mieux que de fumer des cigarettes classiques.
Substituer des cigarettes par des e-cigarettes pourrait donc être bénéfique pour la santé » a conclut, pragmatique, le Dr Farsalinos. Un moindre mal, en quelque sorte.
Ce qu'en pense l'OMS
« Les cigarettes électroniques sont utilisées par des millions de personnes dans le monde comme alternative à la cigarette, pour autant, leur sécurité n'est pas été évaluée. Cette étude répond à la demande d'études de la part de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant ce produit, afin de mieux l'encadrer » a affirmé le Dr Farsalinos, pendant l'ESC.
En 2008, l'OMS indiquait, en effet, qu'à sa connaissance, « aucune étude rigoureuse avalisée par des spécialistes, n'a été effectuée démontrant que la cigarette électronique est une thérapie sûre et efficace de remplacement de la nicotine ». Cependant, l'Organisation n'écartait pas « la possibilité que la cigarette électronique puisse être utile comme moyen de sevrage. La seule façon de le savoir est de réaliser des tests ». Et un de ses représentants affirmait : «Si les entreprises commercialisant la cigarette électronique veulent aider les fumeurs à cesser de fumer, elles doivent impérativement effectuer des études cliniques et des analyses de toxicité et opérer dans un cadre réglementaire correct. Tant que cela ne sera pas fait, l'OMS ne peut pas considérer la cigarette électronique comme une thérapie appropriée de remplacement de la nicotine, et ne peut en aucun cas accepter les fausses allégations selon lesquelles l'OMS aurait approuvé et entériné le produit.»
Dans son côté, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ex-Afssaps) mettait en garde en 2011 contre les cigarettes électroniques, susceptibles d' « être toxiques », de contenir « des quantités de nicotine pouvant entraîner une exposition cutanée ou orale accidentelle, avec des effets indésirables graves » et « d'induire une dépendance