Les maladies orphelines: un nouveau défi pour la santé publique
Dans les pays développés, la fréquence d’une maladie détermine l’ampleur des moyens mis en oeuvre pour la combattre. Les maladies fréquentes représentent un enjeu important pour les institutions de santé, la recherche et l’industrie pharmaceutique. Il en résulte une dynamique de progrès qui fait peu à peu reculer la maladie. Mais lorsqu’une maladie est rare, ces mécanismes font défautLa problématique des maladies raresUn patient atteint d’une maladie rare est souvent confronté à de multiples difficultés. D’abord, la maladie est mal connue et peu de médecins en ont l’expérience. Une fois le diagnostic posé, il n’existe souvent pas de traitement efficace. Le patient ne parvient pas à trouver des informations compréhensibles sur sa maladie. Il ne connaît personne dans le même cas et se sent isolé. D’autre part, la recherche sur les maladies rares ne reçoit que peu de soutien. Les données scientifiques sont donc peu nombreuses, et il n’y a guère de progrès thérapeutiques. Ces maladies n’intéressent pas non plus l’industrie pharmaceutique car le faible nombre de patients ne permettrait pas de rentabiliser le coûteux développement de nouveaux médicaments. On a appelé «orphelines» ces maladies délaissées par les acteurs habituels de la santé. Pourtant, on dénombre actuellement plus de 6000 maladies orphelines, et elles touchent ensemble plus de 25 millions de personnes en Europe. Loin d’être un phénomène marginal, elles constituent en fait un véritable problème de santé publique.
Quelles solutions?L’Union européenne a adopté ces dernières années une politique très active dans ce domaine. Une maladie orpheline y est maintenant définie comme une affection invalidante ou menaçante pour la vie qui touche moins de 1 personne sur 2000 et qui nécessite des efforts combinés pour sa prise en charge. D’importantes mesures législatives et financières ont été prises pour améliorer la qualité des soins, soutenir la recherche et favoriser le développement de médicaments «orphelins». Ces efforts ont aussi permis la création d’ORPHANET, un serveur européen d’information qui fournit des renseignements détaillés sur plus de 1000 maladies orphelines et les ressources correspondantes (consultations spécialisées, réseaux de professionnels, programmes de recherche, associations de patients). Les associations de patients atteints de maladies orphelines jouent aussi un rôle primordial: elles leur permettent de sortir de l’isolement, d’être informés des progrès scientifiques et d’influencer les institutions de santé.
La Suisse a également adopté les critères de l’Union européenne pour la définition des maladies orphelines et a pris des mesures permettant le remboursement des médicaments orphelins par l’assurance-maladie. Il reste cependant à développer de véritables stratégies de santé publique pour améliorer la prise en charge des patients, créer des centres de compétence, encourager la recherche et développer le réseau associatif.
Les maladies orphelines pulmonairesLes maladies orphelines pulmonaires regroupent plus d’une centaine d’affections qui peuvent toucher les bronches, les alvéoles pulmonaires, les vaisseaux sanguins, ou le tissu interstitiel du poumon. Ces maladies, souvent graves, concernent probablement plusieurs milliers de personnes en Suisse
Quelques maladies (ou groupes de maladies) orphelines pulmonaires:
- pneumopathies interstitielles idiopathiques
- pneumopathies à éosinophiles
- vasculites pulmonaires
- hémorragies alvéolaires
- hypertensions artérielles pulmonaires
- lymphangioléiomyomatose
- histiocytose X
- dyskinésie ciliaire primitive
- protéinose alvéolaire
- autres (plus de 100)
Un exemple de maladie orpheline pulmonaire est la
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Cette affection touche exclusivement les femmes entre 20 et 40 ans avec une fréquence d’environ 1 sur 400'000. Elle se caractérise par une destruction progressive du tissu pulmonaire qui peut aboutir à une insuffisance respiratoire. Chez certaines patientes, l’évolution est très lente, mais chez d’autres la maladie peut progresser plus rapidement et nécessiter une transplantation pulmonaire après quelques années
Un autre exemple est la
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Cette affection génétique concerne environ 1 personne sur 30'000 et apparaît généralement dès l’enfance. Elle est due à un fonctionnement anormal des cils qui tapissent l’intérieur des bronches et protègent le poumon contre les bactéries. La maladie se manifeste par des infections pulmonaires répétées, une déformation des bronches due à l’inflammation et une diminution progressive de la capacité respiratoire. Chez la moitié des patients, la position du coeur dans le thorax est inversée.
Il n’existe pas de traitement permettant de guérir ces deux maladies.
Cellule ciliée à l’intérieur d’une bronche. Le battement des cils élimine normalement les particules et les bactéries inhalées. Dans la dyskinésie ciliaire primitive, ce mécanisme ne fonctionne pas. (Source: Dr J.-C. Pache, Service de pathologie clinique, Hôpitaux Universitaires de Genève
Le groupe suisse pour les maladies interstitielles et orphelines pulmonairesPour mieux faire connaître les maladies orphelines pulmonaires, améliorer la prise en charge des patients et faire progresser la recherche scientifique, le
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] s’est constitué avec le soutien de la Ligue pulmonaire suisse. Ce groupe se compose de spécialistes en pneumologie, pathologie et radiologie ayant un intérêt particulier pour ces maladies, et d’un réseau d’environ 200 pneumologues suisses. Le centre de coordination se trouve à l’Hôpital Universitaire de Berne. Un registre a été créé pour recenser les cas de maladies orphelines pulmonaires en Suisse. Ce registre a déjà permis de développer des projets de recherche sur les aspects cliniques, radiologiques, génétiques ou toxicologiques de plusieurs maladies. Des collaborations se sont établies avec les pneumologues en pratique privée, les services universitaires de pneumologie, et d’autres institutions comme le Centre Suisse d’Information Toxicologique (Zurich), l’Institut Universitaire Romand de Santé au Travail (Lausanne), et le Groupe d’Etudes et de Recherche sur les Maladies Orphelines Pulmonaires(France). Le groupe SIOLD vient d’ouvrir un site internet et va progressivement mettre à disposition des informations pour les patients et les professionnels de santé.
Afin de mieux faire connaître certaines maladies orphelines pulmonaires, plusieurs articles paraissent dans le magazin d'information vivO2 et sur ce site internet. Le premier d’entre eux est consacré à la
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. En raison de sa fréquence, la sarcoïdose se situe à la limite des critères définissant une maladie orpheline (environ 1 personne sur 2500 est atteinte), mais elle en est proche par sa complexité et les difficultés qu’elle peut occasionner. Le rôle primordial des associations de patients y est également illustré. Peut-être cette lecture suscitera-t-elle des initiatives afin qu’un jour, plus aucune maladie pulmonaire ne reste «orpheline».
Scanner du thorax dans une dyskinésie ciliaire primitive. Les poumons apparaissant en noir. En raison de l’inflammation, certaines bronches sont dilatées et leurs parois sont épaissies (en blanc).
Dr Romain Lazor, Service de pneumologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].ch