Le cancer du poumon explose chez la femme
Mots clés : cancer du poumon, tabagisme, cancer du sein
Par figaro iconDelphine Chayet - le 13/02/2013
En Europe, il est en passe de devenir la première cause de mortalité des femmes par cancer.
En 2015, le cancer du poumon tuera plus de femmes en Europe que le cancer du sein. Ce sombre pronostic est issu de projections publiées mercredi dans les Annals of Oncology. L'étude menée par des chercheurs suisses et italiens prédit une baisse générale de la mortalité par cancer sur le continent, mais confirme l'augmentation continue des décès féminins liés aux tumeurs pulmonaires. En 2013, 82.000 Européennes mourront d'un cancer du poumon et 88.000 d'une tumeur du sein.
À un horizon proche, ces courbes vont cependant se croiser et le cancer du poumon deviendra la première cause de mortalité par cancer chez la femme sur le continent. Un phénomène qui s'observe déjà aujourd'hui au Royaume-Uni et en Pologne. «Comme toujours, on remarque avec quarante ans de retard les dégâts causés par le tabagisme, souligne Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave-Roussy, à Villejuif (Val-de-Marne). Les jeunes femmes qui ont commencé à fumer en masse dans les années 1970 atteignent aujourd'hui un âge où le risque de cancer est élevé». D'où la hausse de l'incidence des tumeurs pulmonaires, qui sont en outre associées à une mortalité élevée. La survie après un cancer du poumon est en effet de 15 % seulement à cinq ans.
Les chercheurs ont étudié le taux de cancer dans les 27 pays de l'Union européenne, avec un focus dans six pays - France, Allemagne, Italie, Pologne, Espagne et Royaume-Uni. Selon leurs estimations, environ 1,3 million d'Européens mourront d'un cancer en 2013. Alors que le nombre de cas augmente du fait du vieillissement de la population, le taux de mortalité a baissé de 6 % pour les hommes et de 4 % chez les femmes depuis 2009.
Marketing ciblé
Chez les hommes, le cancer du poumon est déjà la principale cause de décès en Europe (187.000 morts en 2013), mais leur taux de mortalité a diminué de 6 % depuis 2009. Chez les femmes au contraire, la mortalité augmente. En France, on évalue à 73.000 le nombre de décès attribuables au tabac, dont 14.000 chez les femmes (contre 4000 dix ans plus tôt).
«Cette mortalité est le résultat des stratégies mises en place dans les années 1930 par l'industrie du tabac pour conquéRir le marché féminin, relate le Pr Yves Martinet, président du comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT). Pour les séduire, les fabricants ont insufflé l'idée que la
était une nouvelle liberté pour les femmes». Ce marketing ciblé s'est poursuivi avec le lancement des cigarettes mentholées, des paquets fins ou des «light», suggérant à tort une toxicité moindre, et plus d'élégance cosmétique.
Au Royaume-Uni, où le tabagisme féminin était parmi les plus élevés d'Europe, la consommation des dernières générations de femmes a connu une forte baisse. Dans ce pays, «le nombre de cancers du poumon chez la femme devrait ainsi se stabiliser dans les années 2020 ou 2025», selon le Pr Carlo La Vecchia, chercheur à l'université de Milan et auteur de l'étude.
«La France va au devant d'une véritable catastrophe sanitaire», s'alarme de son côté Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer (Inca), qui déplore une reprise du tabagisme, notamment chez les jeunes Françaises, après la baisse de la prévalence des années 2000 à 2005. En 2011, 30 % des adolescentes de 17 ans fumaient au quotidien. Or, comme le rappelle Agnès Buzyn, «le risque de mouRir du tabacest d'autant plus important qu'on commence jeune».