Les greffes en dix questions
Pour se prononcer vis-à-vis du don d'organes, il est indispensable d'être informé sur les indications des greffes, les conditions de prélèvement, etc. Peut-on donner ses organes de son vivant ? Comment les receveurs sont-ils choisis ? Doctissimo répond aux interrogations les plus fréquentes ?1 - Combien de personnes sont actuellement en attente de greffes et combien de greffons sont disponibles ? [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Depuis plusieurs années et malgré les différents appels de la communauté médicale, on constate une véritable pénurie d'organes et de tissus à greffer. En France, au 31 décembre 2012, on recensait 11 581 personnes en attente d'une greffe d'organes. Seulement 5 023 ont pu être greffées dont 366 à partir d'un donneur vivant, tandis que 482 malades sont décédés faute de greffons. Cette situation est liée au caractère exceptionnel de la mort encéphalique mais également à la réticence des familles qui pour plus d'un tiers refusent le prélèvement d'organe sur un proche.
2 - Qu'est-ce que la mort encéphalique ? Existe-t-il une chance que la personne sorte de cet état ? Quelle est la différence avec le coma ? La mort encéphalique ou mort cérébrale est l'arrêt brutal, définitif et irréversible du cerveau, qui n'est plus irrigué. Il s'est éteint avant le coeur et ses fonctions sont détruites. Aujourd'hui, le diagnostic repose sur différents examens qui constatent l'absence de conscience, de réflexe et de respiration spontanée. La réglementation française prévoit la confirmation de cet état soit par deux électroencéphalogrammes à 4 heures d'intervalle, soit par une artériographie cérébrale. Le constat de mort encéphalique est établi par deux médecins n'intervenant pas dans l'activité de greffe. Il n'y a donc aucune confusion possible.
Cette forme de décès est tout à fait différente du coma. Et il convient là de lever toute confusion. Dans le cadre du coma, le cerveau continue de fonctionner, ce qui n'est pas le cas dans le cas de la mort cérébrale. Le cerveau des personnes atteintes de mort encéphalique est irrémédiablement détruit, bien que le corps laisse encore apparaître certaines apparences de vie (respiration, chaleur et couleur).
3 - Comment exprimer sa position sur le don d'organes et de tissus ? Le plus simple est d'en parler avec ses proches et c'est principalement le sujet de cette journée nationale "En parler, c'est agir". Les responsables des greffes respectent la volonté du défunt retranscrite par sa famille. L'Agence de biomédecine et les associations pour le don et le prélèvement d'organes et de tissus (France Adot) distribuent des cartes de donneurs à garder sur soi.
Toute personne est considérée comme consentante au prélèvement de ses organes et de ses tissus en vue d'une greffe en cas de mort encéphalique sauf si elle a fait connaître son refus auprès du registre national des refus. Ces refus restent la principale cause de non-prélèvement des organes. Stable depuis 1996, ce taux de refus dépasse les 30 % et reste ainsi très élevé en France.
4 - Quel est le cadre légal des différentes étapes d'une greffe (du prélèvement à la transplantation) ? Le don repose sur la générosité et l'altruisme. Définis initialement par la loi Caillavet datant de 1976 et par la loi de bioéthique de 1994 et ses décrets d'application, les grands principes sont essentiellement :
- Libre consentement et gratuité du don, toute rémunération des dons d'organes et de tissus est interdite ;
- Anonymat du donneur et du receveur ;
- Equité de la répartition des greffons et sécurité sanitaire.
L'Agence de biomédecine, établissement public créé en 1994 est le garant national de ces principes.
5 - Quels sont les organes prélevés sur les personnes décédées ? Comment sera restitué le corps à la famille ? Les prélèvements peuvent concerner :
- Des organes : foie, coeur, poumons, bloc coeur/poumon, pancréas, reins et intestin ;
- Des tissus : cornée, peau, os, valves cardiaques et vaisseaux.
La greffe est envisagée lorsque le médecin estime que la maladie est arrivée à un stade critique, lorsque le recours à un élément artificiel est impossible et quand les autres traitements ne suffisent plus.
Lorsque la mort encéphalique est diagnostiquée, l'équipe médicale et soignante soutient la famille, la rassure et répond à leurs questions. Toutes les incisions faites pour le(s) prélèvement(s) d'organe(s) sont fermées anatomiquement et chirurgicalement puis recouvertes d'un pansement. Dans certains cas, des prothèses peuvent remplacer les tissus prélevés.
L'aspect extérieur du corps est respecté et après l'opération, une toilette mortuaire est pratiquée. Le défunt est habillé avec les effets transmis par la famille.
6 - Peut-on donner ses organes de son vivant ? Certains dons sont possibles entre vivants pour les greffes de rein, de foie, de moelle osseuse dans le cas de maladie du sang, et de poumon. L'intervention comporte toujours un risque pour le donneur, même s'il est très limité. Cette pratique est encore peu répandue en France. Résultats : en 2012, seulement 12 % des greffes de rein (contre 6 % en 2003) et moins de 1 % des greffes de foie ont été faites entre vivants.
Auparavant, le don entre vivants n'était autorisé qu'entre parents au premier degré. Une révision des lois de bioéthique a par la suite été votée en juillet 2011, élargissant ainsi le cercle des donneurs vivants potentiels. Actuellement, la greffe entre donneurs vivants peut se faire entre parents proches (parents, enfants, frères et sœurs, oncle, tante, cousin germain) mais aussi à partir des beaux-frères. Le donneur doit être majeur, demandeur et volontaire. Le don peut aussi provenir du conjoint, ou d'une personne apportant la preuve d'une vie commune ou d'un lien affectif stable avec le receveur depuis au moins deux ans, après accord d'un juge. Il est actuellement possible d'effectuer un don croisé : lorsque deux personnes proches ne sont pas compatibles, deux couples receveur/donneur ayant une compatibilité croisée peuvent procéder à un échange d'organes.
7 - Comment les receveurs sont-ils choisis ? Lorsque les organes sont prélevés, ils sont attribués à un patient selon des critères principalement médicaux. C'est l'Agence de biomédecine qui gère les listes d'attente et d'attribution des greffons. Au-delà des problèmes de compatibilité, les priorités sont définies selon d'autres critères, ainsi sont prioritaires :
- Ceux dont la vie est menacée à court terme ;
- Ceux pour qui les greffons sont rares du fait d'un groupe sanguin inhabituel ;
- Les enfants de moins de 16 ans.
Ces règles de répartition ont été élaborées par la communauté de professionnels concernés après consultation publique, puis ont été homologuées par le ministère en charge de la Santé. En l'absence de patients prioritaires, un score d'attribution des greffons est donné aux patients en liste d'attente en France. Ce système permet à chaque patient de disposer de chances comparables de recevoir un organe en fonction de différents critères bien établis.
8 - Est-il possible de voir les personnes qui bénéficieront du greffon ? Le receveur peut-il rencontrer la famille du donneur ? Définie par la loi de bioéthique, la base du don d'organes est l'anonymat. L'anonymat entre le donneur et le receveur est ainsi respecté. Il a pour but de faciliter le deuil de la famille du donneur et d'éviter des pressions éventuelles de la part d'une des familles envers l'autre. Tout est fait pour que le greffé reprenne une nouvelle vie et que la famille du donneur surmonte le deuil. Elle pourra être informée du résultat des greffes par les équipes médicales.
9 - Comment coûte une greffe et qui paie ? Le coût dépend du type d'organe greffé. La plus onéreuse est celle du foie, la moins onéreuse celle du rein, le coût moyen est d'environ 16 800 €uros. L'intervention est prise en charge par l'hôpital greffeur. Aucun frais supplémentaire lié à l'opération n'est à la charge de la famille.
10 - Existe-t-il un marché noir d'organes à greffer ? Sur ce point, les rumeurs vont bon train mais plupart restent non fondées. En France, la loi est très claire et punit de sept ans d'emprisonnement et de 107 000 €uros d'amende tout trafic d'organes. Néanmoins, certains pays tardent à adopter des lois répressives de ce type. Si l'Inde vient de franchir le pas, il existe encore dans d'autres pays un véritable flou juridique.
Autre sujet d'inquiétude quant à l'existence d'un commerce de ce type : Internet. En 1999, un américain a mis un de ses reins aux enchères sur la toile et en avait obtenu 5,6 millions de dollars en quelques heures, avant que cette "vente" ne soit stoppée. En Europe et aux Etats-Unis, des législations répriment ce type de commerce, mais ailleurs...
David Bême