Différente classe de mutation
Dr Gilles RAULT
Question
Bonjour,
Je souhaite vous remercier d'avoir créer ce site.
Ma question est que lorsque je fais des recherches des différentes mutations de la mucoviscidose, je vois écris mutation de classe 1, 2, 3, ou 4. Donc je voulais savoir qu'est-ce que cela voulait dire, quelle est la plus sévère?
Merci
Réponse
Répondre clairement à votre question, en apparence simple, suppose d’apporter quelques explications préalables.
Le gène en cause dans la mucoviscidose est situé sur le bras court de la 7ème paire de chromosomes. Ce gène dénommé CFTR (« Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator ») code la synthèse, par les cellules de l’organisme, de la protéine du même nom.
La protéine CFTR fonctionne comme un canal transporteur des ions chlorure à travers les membranes externes et internes des cellules ; elle permet de réguler les concentrations d’eau et de sel de sodium (NaCl) à l’intérieur des cellules mais également dans le liquide de surface qui les recouvre et qui forme un film protecteur, en particulier au niveau des épithéliums respiratoire et digestif.
Un gène, c’est le cas du gène CFTR, peut avoir différentes variantes moléculaires que l’on appelle « allèles » : l’allèle « normal » ; un ou plusieurs allèles, variantes de la normale, que l’on nomme « polymorphismes » quand ils sont sans conséquence pathologique connue sur le fonctionnement de la protéine codée ; des allèles enfin que l’on appelle « mutations » lorsqu’ils induisent un dysfonctionnement de la protéine codée.
Les protéines dont la synthèse est codée par un gène CFTR contenant des mutations ne fonctionnent pas comme elles devraient ce qui entraîne une diminution de la quantité de canaux CFTR présents à la surface de la cellule et/ou de la qualité de leur fonctionnement. En conséquence, le liquide de surface (et le mucus qu’il contient, devenu alors plus épais, plus visqueux) ne s’étale pas correctement, forme des plaques et n’assure plus correctement ses fonctions de lubrification et de protection.
Plus de 1800 mutations du gène CFTR ont été décrites à ce jour par un consortium international. Ces mutations sont réparties en six classes en fonction du type de dysfonctionnement qu’elles entrainent :
Pour les deux premières classes, la protéine CFTR est peu ou pas fonctionnelle.
• Classe I : ces mutations conduisent à la production d’une protéine CFTR incomplète ; c’est le cas notamment des mutations G542X, R553X, R1162X, dites mutations « stop » parce qu’elles induisent un arrêt prématuré de la synthèse ;
• Classe II : ces mutations se traduisent par un repliement incorrect de la protéine CFTR dans l’espace. Reconnues comme anormales par la cellule elles ne sont pas transportées vers la membrane et sont détruites ; des mutations telles que F508del, N1303K, I507del ou R560T font partie de cette classe ;
Pour les deux classes suivantes, c’est le bon fonctionnement de la protéine CFTR arrivant à la surface de la cellule qui est affecté :
• Classe III : elles entrainent un défaut de régulation de l’ouverture du « canal chlore » (exemple, les mutations G551D, G551S ou S1255P ) ;
• Classe IV : elles entrainent un défaut de conductance du canal, c’est à dire une diminution du débit de passage des ions (c’est le cas par exemple des mutations R117H, R334W ou R347P) ;
Pour les deux dernières classes, une certaine quantité de protéine fonctionnelle permet des échanges réduits d’ions à la surface.
• Classe V : ces mutations ont un épissage anormal, c’est à dire un assemblage défectueux des différents morceaux de la protéine (c’est le cas entre autres des mutations 3489+10kb C->T, 3120+1 G->A, 2789+1 G->A) ;
• Classe VI : sont classées dans cette catégorie les mutations dont on ne connaît pas le mécanisme exact du dysfonctionnement mais qui permettent la synthèse et le transport à la membrane d’une certaine quantité de protéine fonctionnelle (exemples, les mutations 4326delTC, 4279insA, Q1412X).
La relation génotype-phénotype est la relation entre les mutations du gène (génotype) et leur expression visible (phénotype). Si la relation étroite entre génotype F508del/F508del et insuffisance pancréatique exocrine a été constatée dès après la découverte du gène, la relation génotype-phénotype est loin d’être toujours aussi simple. Le phénotype est en effet le résultat, chez un individu donné, d’une infinité de combinaisons possibles entre des facteurs génétiques d’une part et des facteurs environnementaux d’autre part. Par ailleurs :
• les facteurs génétiques ne se résument pas au seul génotype : des gènes dits modificateurs restent encore à identifier ; différents du gène CFTR, ils peuvent en effet modifier l’expression des mutations pour l’accentuer ou l’atténuer ;
• les facteurs environnementaux, comme la qualité des soins et les traitements, sont l’objet d’une évolution constante porteuse de progrès.
Le seul génotype CFTR ne permet donc pas de prédire l’évolution clinique d’un patient en particulier et ne permet à lui seul d’évaluer son pronostic. A l’échelle d’une large population de malades, le génotype est cependant en partie corrélé à la sévérité du phénotype de la mucoviscidose.
Une recherche portant sur plus de 15.000 patients du registre américain sur la période 1993 à 2002 a ainsi permis de regrouper les classes de mutations du gène CFTR en deux grandes catégories, en termes de pronostic de survie, respectivement à « haut risque » (classes I, II et III) et à « faible risque » (classe IV et V). L’écart d’âge médian au décès entre ces deux catégories était de dix ans sur cette population.
Cette étude confirmait que la présence de deux mutations, de classe I, II ou III, entraînant chacune une forte réduction du transport de chlore est généralement associée à un phénotype plus sévère de la maladie. Inversement, les patients porteurs d’au moins une mutation de classe IV, V ou VI, permettant la présence d’une certaine quantité de protéine CFTR fonctionnelle à la surface cellulaire, présentaient une symptomatologie moins sévère.
En espérant avoir répondu à votre question. Bien cordialement.
Dr Gilles RAULT