Un anticorps anti-IL-5 réduit de moitié les exacerbations d'asthme sévère
Stéphanie Lavaud
Auteurs et déclarations 03 septembre 2013
Une grande étude menée dans l'asthme sévère (DREAM) montre que le mepolizumab est une nouvelle piste pour les patients non contrôlés par corticothérapie. Commentaire du Pr Pascal Chanez. 3 septembre 2012
Vienne, Autriche - La plus vaste étude jamais réalisée dans l'asthme sévère (DREAM) vient d'être publiée dans une édition du Lancet consacrée à la pneumologie à l'occasion du congrès de l'European Respiratory Society (ERS 2012). Elle montre qu'un traitement par l'anticorps monoclonal anti Il-5, mepolizumab, conduit à une réduction de près de 50 % des exacerbations sévères, visites aux urgences et hospitalisations chez les patients traités comparés à ceux sous placebo [1] .
621 asthmatiques sévères issus de 81 centres dans 13 pays différents
Deux petites études avaient précédemment fait la preuve d'une efficacité du mepolizumab - un anticorps monoclonal dirigé contre l'IL-5 qui bloque la production de certaines cellules inflammatoires comme les éosinophiles - sur la réduction des exacerbations et d'un moindre recours aux stéroïdes [2] [3] . D'où l'idée de le tester à grande échelle dans une population spécifique d'asthme sévère, à savoir, un sous-groupe de patients présentant un asthme à éosinophiles, non contrôlé par le traitement par corticostéroïdes. « Un concept qui repose sur la grande hétérogénéité de l'asthme, de l'asthme sévère, et de son expression phénotypique » explique le Pr Pascal Chanez (Marseille), investigateur coordinateur français et dernier auteur de l'article, à Medscape France.
Dans cette étude, 621 asthmatiques sévères issus de 81 centres dans 13 pays différents (dont la France) ont été assignés à prendre l'une des trois doses de mepolizumab (75 mg, 250 mg, ou 750 mg) ou un placebo sur une base mensuelle et ce, pendant 12 mois. Les participants ont donc reçu 13 injections intraveineuses à 4 semaines d'intervalle. Tous avaient des antécédents d'une à deux exacerbations ayant nécessité le recours à un traitement par corticostéroïdes dans l'année passée et présentaient des signes d'une inflammation à éosinophiles. Un tabagisme présent ou passé était, en revanche, un facteur d'exclusion de l'étude. Différents paramètres (spirométrie, scores du contrôle de l'asthme, la qualité de vie et dosage des éosinophiles sanguins) ont été mesurés au début de l'étude puis toutes les 4 semaines.
Les exacerbations - définies comme les épisodes nécessitant des corticostéroïdes oraux, une consultation ou une admission aux Urgences - et validées par d'autres paramètres (peak flow diminué, augmentation de plus de 50% des traitements pendant 2 à 3 jours, réveils nocturnes successifs…) ont constitué les critères primaires de l'étude. Elles ont été colligées pendant toute la durée de l'étude, soit 52 semaines.
Diminuer et retarder l'apparition des exacerbations
Sur les 616 patients en intention de traiter, 520 ont reçu la totalité du traitement. 806 exacerbations ont été recensées, dont 96% répondaient aux critères fixés.
Après 1 année de traitement, le taux d'exacerbations cliniques a été réduit de moitié dans les groupes prenant du mepolizumab par rapport au groupe placebo (1,24, 1,46, et 1,15 vs 2,40 par patient par année). Le mepolizumab dosé à 75 mg a diminué le taux d'exacerbations par patient et par année de 48% (95 CI 31-61% ; p<0,0001), la dose de 250 mg de 39% (95 CI 19-54% ; p<0,0005) et celle de 750 mg de 52% (95 CI 36-64% ; p<0,0001). De plus, les 3 doses ont permis de retarder l'apparition de la première exacerbation par rapport au placebo.
« Le principal effet du traitement porte sur les exacerbations, en revanche, aucune différence significative n'a été mise en évidence sur les critères secondaires comme la fonction respiratoire ou le contrôle de l'asthme au quotidien » note le Pr Chanez.
Les effets indésirables graves ont été retrouvés à la même fréquence dans tous les groupes, céphalées et rhinopharyngite en tête.
Un traitement susceptible d'agir sur le mécanisme même de la maladie
Au final, « cette étude - l'une des plus abouties faite dans ce domaine - met en lumière les progrès de compréhension sur le traitement de l'asthme sévère, considère le Pr Pascal Chanez. Le mepolizumab apparaît comme un traitement potentiel pour cette forme d'asthme particulière, rendu possible par la meilleure caractérisation phénotypique des patients. Mais une phase III est désormais nécessaire pour évaluer le bénéfice/risque de ce médicament. »
« D'autres anti IL-5 et biothérapies dirigées contre des cytokines pro-inflammatoires sont actuellement en cours d'évaluation, ajoute le pneumologue. C'est tout une palette de traitements qui se développent et que l'on pourra potentiellement proposer à l'avenir aux patients en plus des traitements habituels, pour réserver les corticostéroïdes systémiques - non dénués d'effets indésirables - à de rares patients. En outre, ces nouveaux traitements sont susceptibles d'interférer sur le mécanisme même de la maladie, ce qui n'est pas le cas des traitements actuellement disponibles dont l'action est purement symptomatique. »
L'étude a été sponsorisée par GlaxoSmithKline. Les liens d'intérêt des auteurs sont consultables dans la publication.