Les éosinophiles dans la BPCO : enfin... Beaucoup de bruit pour rien... !
Par Clémence MARTIN
D’après Turato G et al., abstr. OA492
Les éosinophiles dans la BPCO sont un sujet très à la mode d’autant que, dans un contexte où il existe de nouvelles thérapeutiques efficaces dans l’asthme sévère hyperéosinophile, on peut être tenté de transposer l’indication de ces traitements à la population BPCO. La signification des éosinophiles dans la BPCO est néanmoins un sujet très controversé. On sait qu’il existe une infiltration tissulaire pulmonaire à éosinophile chez les patients en exacerbation. On a décrit une diminution des éosinophiles dans les expectorations des patients traités par corticoïdes inhalés et plusieurs études suggèrent un rôle de l’éosinophilie sanguine dans la survenue des exacerbations et la proposent comme un biomarqueur d’exacerbation. Cependant, on ne sait toujours pas s’il faut ou non considérer l’éosinophilie sanguine comme un reflet de l’infiltration éosinophile tissulaire bronchique. De plus, la plupart des études sont des analyses post-hoc avec un suivi court et n’analysent qu’un seul prélèvement sanguin alors qu’on sait que l’éosinophilie sanguine peut varier parfois du simple au double chez un même patient pour des facteurs totalement indépendants de l’évolution de leur BPCO.
Les objectifs de l’étude présentée par Turato et al. étaient d’étudier, chez des patients fumeurs avec ou sans BPCO (n = 512), la variabilité de l’éosinophilie sanguine sur au moins 5 ans et sa relation avec l’évolution clinique de la BPCO, et enfin de déterminer le lien entre l’hyperéosinophilie sanguine et l’infiltration tissulaire éosinophile (et ce, à partir de 51 prélèvements pulmonaires de fumeurs avec [n = 34] ou sans BPCO [n = 17]). Les patients avec un antécédent d’asthme étaient exclus. Les patients étaient suivis annuellement (examen clinique, explorations fonctionnelles respiratoires, NFS, nombre d’exacerbations dans l’année et mortalité et cause de décès). Les patients ont été divisés en 3 groupes selon que leur taux d’éosinophiles sanguins était à chacune des 5 visites toujours ≥ 150/mm
3, toujours < 150/mm
3 ou variable.
Les résultats de cette étude ont montré que :
- la distribution des taux d’éosinophiles sanguins était la même chez les fumeurs avec ou sans BPCO ;
- la répartition des 3 groupes de patients selon que leur taux d’éosinophiles était toujours ≥ 150/mm
3, toujours < 150/mm
3 ou variable était la même chez les fumeurs avec ou sans BPCO. La majorité des patients (63 %) étaient dans le groupe “variable” ;
- aucune différence en termes de réponse aux bronchodilatateurs, de déclin du VEMS, de sévérité de la BPCO ou de fréquence annuelle des exacerbations
(figure 1) n’a été retrouvée dans les 3 groupes de patients définis selon leur taux d’éosinophiles ;
- alors que la tendance actuelle voudrait considérer l’hyperéosinophilie sanguine comme un marqueur d’exacerbation, voire de sévérité, de la BPCO, dans cette étude, sur un très faible effectif, un taux d’éosinophiles toujours ≥ 150/mm
3 chez les patients BPCO était associé à une diminution de la mortalité
(figure 2) ;
- aucune corrélation n’a été retrouvée entre les taux d’éosinophilie sanguine et l’infiltration tissulaire pulmonaire (parenchymateuse et péribronchique).
En conclusion, l’éosinophilie sanguine est un paramètre biologique susceptible de varier dans le temps chez la majorité des sujets. Cette étude ne retrouve pas de corrélation entre l’élévation des taux d’éosinophiles et la sévérité de l’évolution clinique ni sur l’infiltration tissulaire pulmonaire. Il semble donc prématuré de considérer l’éosinophilie sanguine comme un biomarqueur pronostique et encore moins comme une cible thérapeutique...
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