Difficile d’imaginer qu’une maladie, qui touche plus de 44 millions d’individus dans le monde aujourd’hui, et qui est annoncée comme la 3ème cause de mortalité d’ici 2020, demeure encore méconnue du grand public et de certains professionnels de santé ! Pourtant, pour un grand nombre de personnes,
b]le terme BPCO ou broncho-pneumopathie chronique obstructive n’évoque rien.[/b]
Plus facilement identifiée comme « la maladie du fumeur », la BPCO est une maladie respiratoire qui s’installe d’abord au niveau de l’appareil broncho-pulmonaire, réduisant progressivement les débits expiratoires. Longtemps asymptomatique, elle évolue en silence. Lorsque le diagnostic est posé, le patient présente déjà une limitation ventilatoire importante à l’origine d’un essoufflement anormal à l’effort. Pour éviter cette gêne (ou dyspnée) le patient limite progressivement ses activités physiques. Insidieusement, la maladie le pousse dans une spirale de désadaptation, qui tour à tour, le sédentarise et l’isole. Au final, les répercussions systémiques (déconditionnement musculaire, dépression…) sont telles que la BPCO n’est plus considérée aujourd’hui comme une simple maladie pulmonaire, mais comme une véritable maladie générale, à point de départ respiratoire.
Bases physiopathologiques et objectifs d’entraînement à l’exercice
Pour prévenir et limiter l’évolution de la maladie, la pratique d’une activité physique régulière est depuis longtemps largement recommandée. Les raisons sont certainement associées au fait qu’après le poumon, c’est au niveau du muscle périphérique que semble se localiser le second « foyer » de la maladie. L’exploration périphérique chez les patients BPCO révèle en effet les stigmates d’une véritable dysfonction musculaire, tant structurale, métabolique que fonctionnelle.
Au niveau du quadriceps, les données rapportent une perte de force moyenne de 33 %. Directement associée à la perte de force, nous observons chez ces patients une réduction de la masse musculaire. Des travaux récents révèlent que l’évolution de ces 2 paramètres est directement corrélée à l’espérance de vie des patients.
Concernant la capacité d’endurance, autre composante de l’altération de la fonction musculaire, les travaux rapportent une diminution moyenne de 57 %. Cette diminution est essentiellement expliquée par une réduction de la capacité oxydative du muscle, elle-même justifiée par une diminution importante des fibres de type I (à haut potentiel oxydatif, dites « endurantes ») au profit des fibres IIb (avec une capacité oxydative moindre et donc sensibles à la fatigue) (12), une diminution de la capillarisation tissulaire autour de ces fibres et une réduction des enzymes de la voie oxydative.
Au quotidien, c’est la baisse de l’endurance musculaire qui majore la dyspnée, diminue la tolérance à l’effort et conditionne la qualité de vie des patients BPCO. Ainsi, les objectifs physiopathologiques de l’entraînement à l’exercice pour les personnes atteintes d’une BPCO sont clairs. Ils ont pour vocation de restaurer la voie métabolique aérobie des muscles périphériques, et par la même, de diminuer la part musculaire de la dyspnée en limitant l’hyperventilation.
Quelles modalités de prescriptions ?
L’activité physique se décline autour de trois composantes : l’entraînement en endurance (pierre angulaire de cette thérapeutique) équivalant à 45±15 min de vélo, marche ou natation, le renforcement musculaire (ou travail contre résistance), les étirements et le travail en équilibre. Pour chacune, les modalités de prescriptions se feront en respectant une durée et un nombre minimal de sessions, la fréquence hebdomadaire et l’intensité de travail.
Au-delà des objectifs associés à la pratique d’une activité physique, il est important de comprendre que les modalités de prescriptions sont déterminantes. Elles ne peuvent être considérées comme une option secondaire dans la mesure où les bénéfices attendus en sont tributaires. Ainsi, pour un effet cliniquement pertinent, les sociétés européennes et américaines des maladies respiratoires recommandent un nombre minimum de 20 séances, à poursuivre dans le temps bien évidemment. Le nombre de sessions par semaine doit être égal ou supérieur à 3. Une session complète (90 min) doit intégrer respectivement un temps d’échauffement, d’exercice, et de relaxation. Concernant l’intensité des séances en endurance, en dépit d’une apparente discordance entre les écoles américaines et européennes, tous s’accordent pour proposer une intensité de travail individualisée. Ainsi, alors que les américains préfèrent travailler à haute intensité (80 % des possibilités maximales des sujets), nous avons tendance à privilégier en Europe, un entraînement au niveau du seuil ventilatoire, donc plus modéré (55-60 %), et proche du seuil d’apparition de la dyspnée. Ce choix tient au fait qu’il semble plus facile pour les patients de poursuivre dans le temps ce type d’entraînement.
Un niveau de preuve A
Afin de mesurer les effets d’une thérapeutique, praticiens et scientifiques ont l’habitude de raisonner en termes d’evidence-based medecine. En effet, cette approche permet de compiler plusieurs études retenues sur la base de leur qualité scientifique. Ainsi, sur l’ensemble des objectifs physiopathologiques définis (diminution de la dyspnée, amélioration de la tolérance à l’effort et de la qualité de vie), les effets sont atteints pour un niveau de preuve A (le plus élevé) (16,17). Par ailleurs, la reprise formalisée d’une activité physique entraîne une diminution de la fréquence ainsi que de la durée d’hospitalisation et donc des coûts de santé associés.
[Source : Nelly Heraud, Dominique Bourgouin, Jacques Desplan, Cliniques du Souffle La Solane, La Vallonie, Les Clarines.]