Anesthésie et réanimation
de l'emphysémateux sévère
E. Samain, J. Marty
Service d'anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général Leclerc, 92110 Clichy, France
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]L'emphysème, défini par une destruction des espaces aériens distaux, est le plus souvent secondaire au tabagisme. Il touche 1 % de la population et entraîne une insuffisance respiratoire grave.
· Le mécanisme physiopathologique principal est une limitation de l'expiration, due à la perte des forces de rappel élastique pulmonaire, entraînant une diminution de la pression motrice expiratoire, une augmentation des résistances bronchiques et responsables d'une hyperinflation pulmonaire. La mécanique respiratoire est également perturbée.
· La sévérité de la maladie doit être évaluée sur des données cliniques et spirométriques. Le risque périopératoire, augmenté en chirurgie générale, peut être estimé par des scores cliniques.
· Le principal problème peropératoire est la gestion de l'hyperinflation dynamique, majorée par la ventilation mécanique. Un réglage du ventilateur avec une fréquence respiratoire lente, un temps expiratoire prolongé et un certain degré d'hypoventilation sont nécessaires.
· La reprise de la ventilation spontanée après chirurgie nécessite une analgésie de bonne qualité, reposant, lorsque cela est possible, sur les techniques locorégionales.
· Les modes d'assistance respiratoire non invasive, avec une pression positive expiratoire modérée sont utiles dès les premiers signes de fatigue.
· La chirurgie de réduction de volume pulmonaire consiste à retirer 20 à 30 % du parenchyme pulmonaire, de façon à restaurer dans une certaine mesure les forces de rappel élastique et améliorer l'expiration.
· Les difficultés anesthésiques concernent la gestion de la ventilation unipulmonaire et de l'hyperinflation dynamique qui est souvent très marquée.
· Les complications postopératoires sont fréquentes, notamment l'insuffisance respiratoire aiguë, les fuites aériennes et les complications digestives.
· Un bénéfice fonctionnel à court terme de la chirurgie est démontré chez certains patients sélectionnés. Les indications de la chirurgie doivent encore être affinées
La bronchopathie chronique obstructive (BPCO) comprend l'emphysème et la bronchite chronique. C'est la principale cause de handicap respiratoire dans les pays industrialisés [1]. L'emphysème diffus, qui atteint environ 1 % de la population, est habituellement secondaire au tabagisme. C'est une maladie chronique qui entraîne un handicap progressif, dont l'évolution peut conduire au décès.
La prise en charge anesthésique d'un patient emphysémateux pour un acte de chirurgie générale doit tenir compte du retentissement des lésions d'emphysème et de l'anesthésie et/ou de la chirurgie sur la fonction respiratoire. Les principaux problèmes sont liés au retentissement de la ventilation mécanique et au maintien d'une ventilation suffisante dans la phase postopératoire [2]. Cette conférence a pour objectifs de rappeler la physiopathologie de l'emphysème et ses conséquences sur le risque périopératoire et la prise en charge anesthésique, et d'envisager certains aspects particuliers de la chirurgie de réduction de volume pulmonaire (RVP), récemment développée pour améliorer la fonction respiratoire dans les formes sévères de la maladie.
MALADIE EMPHYSÉMATEUSE
Définition et formes cliniques
L'emphysème est caractérisé par une réduction du débit expiratoire lors de l'expiration forcée [3].
La définition de l'emphysème est anatomique [1]. Il s'agit d'une dilatation anormale et permanente des espaces aériens situés après les bronchioles terminales, accompagnée de la destruction de leur paroi, sans fibrose significative. Le lobule pulmonaire est composé de 3 à 5 bronchioles terminales, conduisant chacune à un acinus ou unité respiratoire terminale. Chaque acinus comprend des bronchioles respiratoires puis des alvéoles. Trois types histologiques, pan- et centrolobulaire ou -acinaire, et paraseptal ont été décrits selon le siège des destructions [4]. Dans l'emphysème panlobulaire, les lésions touchent l'ensemble de l'acinus et prédominent dans les bases pulmonaires. L'emphysème centrolobulaire atteint les bronchioles respiratoires, et respecte relativement les alvéoles. Les lésions sont prédominantes aux sommets [5]. L'emphysème paraseptal est plus rare et touche la périphérie des lobules. Il est rarement responsable d'une insuffisance respiratoire, mais peut être à l'origine de pneumothorax spontanés.
Étiologies de l'emphysème
La grande majorité des emphysèmes est due au tabagisme. Les particules < 5 m sont trappées dans les lobes supérieurs, ce qui correspond à la distribution préférentielle de l'emphysème centrolobulaire. Malgré la forte association étiologique entre le tabagisme et la BPCO, seul 10 à 15 % des fumeurs développent une BCPO. Ceci suggère une susceptibilité au tabac variable d'un individu à l'autre, génétiquement déterminée. Les mécanismes en jeu incluent une réponse inflammatoire à la rétention de particules, faisant intervenir l'activation de protéases, notamment l'élastase. Un déséquilibre entre l'activité de l'élastase et de son inhibiteur physiologique, l'alpha 1-antitrypsine (1-AT), semble l'élément prédominant de la genèse de l'emphysème.
Ce déséquilibre peut être lié à un déficit congénital en 1-AT, responsable de 2 % des emphysèmes. Cette enzyme, synthétisée par le foie, s'oppose dans la circulation à l'action de l'élastase des neutrophiles. Il y a 75 allèles différentes connues d'1-AT, transmises de façon co-dominante et classées normales, déficientes ou nulles. Les phénotypes PiZZ et Pinulnul entraînant un déficit important en antiprotéase (< 11 mol·L-1), sont liés à la survenue d'un emphysème. L'emphysème est le plus souvent pan-acinaire, et touche les lobes inférieurs. Il survient plus tôt dans la vie (4e décade). Le tabagisme, extrêmement mal toléré chez ces patients, est un cofacteur fréquemment retrouvé chez les malades symptomatiques.
Physiopathologie de l'emphysème
Mécanismes physiopathologiques
La principale anomalie fonctionnelle est une obstruction bronchique [6]. Le flux expiratoire dépend de la pression motrice, des résistances des voies aériennes et de la résistance des bronches au collapsus. La pression motrice dépend des forces de rappel élastique pulmonaire. Ces forces ont deux origines dans le poumon normal : a) le surfactant, présent à l'interface alvéole/air, qui évite le collapsus des alvéoles aux faibles volumes pulmonaires ; b) les éléments élastiques du poumon (collagène et élastine) qui exercent une traction radiaire sur les voies aériennes et les maintiennent ouvertes pour les plus grands volumes. Elles permettent au rapport volume/pression (compliance) de rester constant dans une large plage de volume pulmonaire. La perte du rappel élastique, liée à la destruction parenchymateuse diminue la force motrice expiratoire, ce qui augmente la compliance pulmonaire et dévie la courbe pression-volume vers la gauche. L'augmentation des résistances expiratoires est principalement due à la compression des bronchioles par les structures alvéolaires distendue (phénomène dynamique) et de façon plus secondaire par l'obstruction directe par des lésions inflammatoires bronchiques (tabac et surinfections) [7]. Enfin, la diminution des forces radiaires qui s'exerce sur les bronches favorise leur collapsus expiratoire.
Conséquences sur les débits et volumes respiratoires
Chez le sujet normal, la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), qui correspond au volume des poumons en fin d'expiration, est déterminée par l'équilibre entre les forces de rétraction pulmonaires et d'expansion de la cage thoracique. Dans l'emphysème, la diminution des forces de rappel élastique déplace cet équilibre et entraîne une augmentation de la CRF (hyperinflation pulmonaire). De plus, il existe un retard important à la vidange alvéolaire et une augmentation de la constante de temps expiratoire (), qui se traduit par la diminution du VEMS (tableau I). L'expiration est inhomogène d'une région du poumon à l'autre et incomplète, car interrompue par l'inspiration suivante. De ce fait, il persiste un volume de gaz en fin d'expiration supérieur à la CRF, correspondant à l'hyperinflation dynamique. Elle se traduit par la persistance d'une pression positive en fin d'expiration, la PEP intrinsèque (PEPi).
La capacité pulmonaire (CPT) est également augmentée et la capacité vitale forcée (CVF) modérément diminuée, aboutissant à une diminution du rapport VEMS/CVF.
Conséquences sur la perfusion pulmonaire et les échanges gazeux
Les anomalies de l'hématose varient considérablement d'un patient à l'autre. La destruction des parois alvéolaires limite le plus souvent la survenue d'une hypoxémie sévère liée à un shunt. En revanche, il existe une ventilation « inutile » dans des zones détruites et peu perfusées. L'adaptation à ce phénomène conditionne en partie la symptomatologie clinique du patient : certains patients ont une ventilation alvéolaire adaptée aux besoins (PaCO2 normale, PaO2 peu diminuée) au prix d'un effort respiratoire important et d'une dyspnée chronique. D'autres tolèrent une ventilation alvéolaire effective insuffisante. L'effort respiratoire est moins marqué et le patient moins dyspnéique, mais la PaCO2 est élevée et la PaO2 est basse.
Tableau I. Anomalies moyennes observées dans l'emphysème diffus sévère avant réduction de volume pulmonaire (RVP) et effet à moyen terme (3 à 6 mois) de la chirurgie. D'après [70] [72]. Paramètre mesuré
Avant RVP
Après RVP
VEMS (L·s-1)
0,75 (0,6-0,9)
Augmentation (20 à 80 %)
CVF (L)
2,9 (2,3-3,3)
Augmentation (15 à 49 %)
CPT (% th)
136 (129-143)
Diminution (15 à 20 %)
VR (% th)
226 (200-255)
Diminution (10 à 30 %)
PaO2 (mmHg)
74 (68-80)
Inchangé ou légère amélioration
PaCO2 (mmHg)
37 (34-41)
Inchangée
Dlco (% th)
30--40
Inchangée
6-MWT (m)
210 (180-280)
Augmentation (20 à 90 %)
VO2 (mL·kg-1)
< 15
Augmentation (5 à 30 %)
Les anomalies de l'hématose sont rapidement aggravées à l'effort, en raison de la survenue de troubles de diffusion liés à l'augmentation du débit pulmonaire, d'une augmentation non efficace de la ventilation de l'espace mort et d'une baisse de la PvO2.
Enfin, la survenue d'une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), le plus souvent modérée, est fréquente au cours de l'évolution de l'emphysème. Celle-ci est principalement liée à une anomalie de la vasomotricité (NO-dépendante) puis devient irréversible lorsqu'une hypertrophie de la paroi s'installe.
Conséquences sur la mécanique respiratoire
Effets sur la mécanique inspiratoire
Les fonctions du diaphragme sont perturbées car : a) la longueur des fibres est réduite, ce qui place le diaphragme en position moins favorable pour se contracter [8] ; b) l'aplatissement de la coupole réduit la partie du muscle parallèle à la cage thoracique et rend la contraction du diaphragme est moins efficace pour entraîner un mouvement de piston ; c) le rayon de courbure du diaphragme augmente, ce qui selon la loi de Laplace, diminue la transformation de la tension intrapariétale en pression (figure 1) [9]. Cependant, un certain degré d'adaptation du diaphragme à l'hyperinflation semble exister [10].
Figure 1. Principales anomalies de la mécanique inspiratoire dans l'emphysème (explications dans le texte).
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'efficacité des muscles inspiratoires accessoires est également altérée par l'hyperinflation dynamique, qui horizontalise des côtes et augmente l'angle qu'ils forment avec le sternum [11] [12]. Enfin, une fatigue musculaire est fréquente, liée à l'effort soutenu demandé par la respiration normale et à une altération de la distribution de l'oxygène et la commande nerveuse du diaphragme et des scalènes est augmentée dans la BPCO [6] [13].
Effets sur la mécanique expiratoire
Il existe une contraction active anormale des muscles de la paroi abdominale. Ceci entraîne une élévation de la pression intra-abdominale et participe à la création de la PEPi, mais reste inefficace pour augmenter le débit expiratoire [14]. Cette contraction pourrait être bénéfique pour l'inspiration, l'énergie stockée dans l'abdomen fournissant du travail inspiratoire et améliorant la géométrie du diaphragme en début d'inspiration.
Évolution de la maladie emphysémateuse
La dyspnée d'effort s'aggrave progressivement, puis devient présente au repos. La capacité d'effort, quantifiée sur des tests tels que la distance parcourue en 6 minutes (6-minute walk test [6-MWT]) est réduite. L'association de l'emphysème à une bronchite chronique est fréquente et un certain degré de réversibilité et d'hyperréactivité bronchique sont possibles.
Le diagnostic doit être confirmé par un examen spirométrique, qui montre précocement dans l'évolution de la maladie, une diminution du rapport VEMS/CVF (< 70 %) et du VEMS (< 80 % des valeurs prédites (th) après bronchodilatateurs). La sévérité de la maladie est classée en 3 stades (tableau II). La scanographie thoracique n'est pas indispensable au diagnostic, mais est utile pour éliminer d'autres pathologies respiratoires, et pour grader les lésions lorsqu'une chirurgie de RVP est envisagée. La corrélation entre la destruction pulmonaire vue à l'examen et les anomalies fonctionnelles est faible [15].
Tableau II. Classification de la sévérité de la bronchopathie chronique obstructive. D'après Pauwels et al. [19]. Stade
Gravité
Caractéristiques cliniques
0
Patient à risque
Toux et expectoration
Spirométrie normale
I
Mineure
VEMS/CVF < 70 %
VEMS 80 % des valeurs prédites
± toux et expectoration
II
Modéré
VEMS/CVF < 70 %
30 % VEMS < 80 % des valeurs prédites
± toux, expectoration et dyspnée
III
Sévère
VEMS/CVF < 70 %
VEMS < 30 % des valeurs prédites
ou insuffisance respiratoire ou IVD
Insuffisance respiratoire définie par une PaO2 < 60 mmHg avec ou sans PaCO2 > 50 mmHg en air ambiant ; IVD : insuffisance ventriculaire droite.
La mortalité est de 5 et 10 % par an lorsque la maladie est de sévérité respectivement moyenne (VEMS = 47 % th) et sévère (VEMS = 35 % th) [16] [17]. Les patients oxygéno-dépendants ont une mortalité plus élevée [18].
Traitement de l'emphysème
Aucun traitement médical de l'emphysème ne permet d'interrompre la dégradation de la fonction respiratoire [19]. L'arrêt du tabagisme est indispensable pour ralentir cette évolution. Les bronchodilatateurs sont souvent efficaces par voie inhalée pour améliorer la dyspnée. Les corticoïdes sont inefficaces sur l'évolution, mais peuvent être utile en cas de poussée spastique [20]. La supplémentation en 1-AT est un traitement contraignant et coûteux, mais est efficace chez les patients ayant un déficit génétique sévère documenté. Il n'est pas recommandé dans les autres cas.
L'inefficacité du traitement médical a conduit à proposer plusieurs techniques chirurgicales pour ralentir l'évolution de la maladie. La transplantation pulmonaire représente une solution dans les formes terminales, mais le nombre réduit des greffons a conduit à proposer des techniques alternatives, dont la RVP [21].
ANESTHÉSIE DU PATIENT EMPHYSÉMATEUX
EN CHIRURGIE GÉNÉRALE
Évaluation préopératoire
Évaluation et optimisation de la fonction respiratoire
L'évaluation préopératoire doit permettre d'optimiser la fonction respiratoire, d'évaluer le risque de complications, et d'adapter la prise en charge anesthésique [22].
La capacité d'effort permet une première estimation de la sévérité de la maladie. L'aggravation récente de la dyspnée d'effort ou son apparition au repos traduit une maladie respiratoire instable, qui nécessite un traitement préopératoire. La sémiologique de la dyspnée peut être évocatrice d'obstruction bronchique sévère. Cependant, cette approche est insuffisante, car la perception de la dyspnée n'est pas directement corrélée aux lésions et le recours à des examens complémentaires est utile. La radiographie thoracique permet une estimation de l'hyperinflation pulmonaire, mais l'intérêt de cet examen semble limité.
Les épreuves fonctionnelles respiratoires permettent d'évaluer la sévérité de l'obstruction bronchique et la distension pulmonaire. La valeur de cet examen pour prédire les complications respiratoires est faible, mais les informations qu'il fournit sont utiles pour adapter la technique anesthésique (cf. infra) [23].
La mesure des gaz du sang, qui permet une estimation de l'hématose au repos, est nécessaire en présence de signes cliniques d'insuffisance respiratoire ou lorsque le VEMS est < 40 % des valeurs prédites.
L'évaluation de l'état nutritionnel du patient mérite une attention particulière. Il existe fréquemment une malnutrition, avec une perte de poids qui touche la masse musculaire globale et les muscles respiratoires, et des anomalies électrolytiques (notamment hypophosphorémie) qui favorisent des altérations fonctionnelles musculaires [24].
L'optimisation de la fonction respiratoire a fait l'objet d'une conférence d'actualisation au Congrès de la Sfar en 2001 [25]. Schématiquement, on peut proposer : 1) l'arrêt du tabac ; 2) la kinésithérapie et les manœuvres respiratoires (spirométrie incitative), qui doivent être enseignées et comprises ; 3) le traitement des surinfections bronchiques ; 4) les bronchodilatateurs (anticholinergiques inhalés et bêta 2-mimétiques) ; 5) la correction des anomalies électrolytiques (hypophosphorémie). L'introduction de corticoïdes est inutile et les interventions nutritionnelles sont le plus souvent peu efficaces.
Évaluation du risque respiratoire périopératoire
L'évaluation du risque périopératoire est importante, pour l'information du patient et l'analyse bénéfice-risque. Le risque respiratoire spécifiquement lié à l'emphysème n'est pas évalué en dehors de la chirurgie de RVP, et les données actuelles en chirurgie générale concernent l'ensemble des bronchopathies chroniques. L'incidence des complications respiratoires sévères, évaluée sur un collectif de plus de 17 000 patients, est multipliée par 3 dans le groupe de patients ayant une BPCO [26]. Les facteurs de risque de complications respiratoires sont un antécédent de BPCO, d'insuffisance cardiaque ou coronaire, l'obésité, le tabagisme et le sexe masculin. L'existence d'une hyperinflation pulmonaire est un facteur de complications respiratoires postopératoires en chirurgie digestive haute [27]. Une hypercapnie ou une hypoxémie est probablement prédictive de complications postopératoires [22].
Des scores de risque de complications respiratoires ont été développés. Le score multiparamétrique de l'ASA est intéressant, car il prend en compte à la fois la fonction respiratoire et des facteurs non pulmonaires [25].
Plus récemment, Arozullah et al. ont analysé les facteurs et établi des scores de risque de risque d'insuffisance respiratoire aiguë ou de pneumopathie postopératoires [28] [29]. Sur un collectif de plus de 80 000 patients, l'incidence d'insuffisance respiratoire aiguë postopératoire était de 3,4 %. Les facteurs de risque étaient le type de chirurgie, l'urgence, une BPCO [odds ratio (IC 95 %) : 1,6 (1,4-1,7)], un état fonctionnel ou nutritionnel altéré, une insuffisance rénale sévère et l'âge avancé [28]. Les facteurs de risque de pneumopathie postopératoire ont été établis sur une population de 160 805 patients opérés en chirurgie générale. Aux facteurs de risque de détresse respiratoire [BPCO : odds ratio : 1,7 (1,5-1,9)], s'ajoutent la prise chronique de stéroïdes, le tabagisme et l'éthylisme [29]. Il faut noter que l'importance de la capacité fonctionnelle du patient, très altérée dans l'emphysème sévère, est un facteur important du risque de complication respiratoire. Ce point a été confirmé par Girish et al. [30], qui ont montré que l'incapacité de monter deux étages avait une valeur prédictive positive de complication de 82 %.
Le patient doit être informé de la nécessité d'une surveillance postopératoire et de la possibilité de survenue d'une complication pouvant conduire à la ventilation mécanique.
Évaluation cardiovasculaire
La majorité des patients emphysémateux ont un tabagisme important, qui est un facteur de risque d'athérome bien identifié. L'existence de lésions coronaires significatives est fréquente, détectées chez 15 % des patients proposés pour une RVP [31] [32]. En raison de la réduction marquée de l'activité physique, ces lésions sont souvent non symptomatiques. Cependant, l'insuffisance respiratoire chronique n'est pas un facteur indépendant de complications cardiaques périopératoire. L'évaluation cardiovasculaire de ces patients doit donc suivre les recommandations habituelles, comme celles de l'ACC/AHA, réactualisées en 2002 [33] [34] [35].
Lorsqu'il existe des signes d'insuffisance cardiaque droite, une échocardiographie permet de préciser les anomalies du ventricule droit et dans la plupart des cas d'estimer la valeur de la PAP. Les anomalies de géométrie du ventricule droit sont fréquentes (40 % des patients), mais l'HTAP sévère est rare (5 % des patients) [36].
Prise en charge anesthésique
Anesthésie locorégionale et fonction respiratoire
L'anesthésie locorégionale peut être proposée chez les emphysémateux, bien qu'une réduction de la morbidité ou de la mortalité n'ait pas été démontrée. Les blocs tronculaires ou plexiques posent peu de problèmes, la principale contrainte étant le maintien du décubitus dorsal en ventilation spontanée. Le bloc interscalénique est contre-indiqué en raison de son action sur le diaphragme [37]. L'anesthésie péridurale lombaire a peu de retentissement sur la fonction respiratoire, alors qu'au niveau thoracique, elle interfère avec l'innervation sympathique thoracique et avec les muscles respiratoires. Groeben et al. ont évalué l'effet d'une péridurale thoracique haute (C4-T9) à la bupivacaïne ou la ropivacaïne sur la fonction respiratoire de patients porteurs d'une BPCO sévère (VEMS = 52 ± 13 % th) [38]. Ils ont montré que le VEMS diminuait de 10 % alors que le rapport VEMS/CVF augmentait modérément, de façon non différente avec les deux agents. La tolérance respiratoire globale était satisfaisante, suggérant que cette technique est une alternative intéressante pour certaines chirurgies.
Anesthésie générale et fonction respiratoire
Modifications induites chez le sujet sain
Chez le sujet normal, l'induction anesthésique diminue la CRF de 15 à 20 %. Les résistances bronchiques et le shunt intrapulmonaire augmentent et il existe un risque d'atélectasies. D'autre part, la perfusion des zones à faible VA/Q et le gradient PAO2-PaO2 augmentent. L'élimination du CO2 est également altérée par l'augmentation de l'espace mort. Enfin, la commande respiratoire est déprimée par les agents anesthésiques et cet effet existe pour des concentrations très faibles, sub-anesthésique.
Aggravation de l'hyperinflation dynamique
Chez l'emphysémateux, le problème principal est l'aggravation par la ventilation mécanique de l'hyperinflation dynamique et l'augmentation de la PEPi [39]. Le degré de PEPi est déterminé par trois facteurs chez le patient ventilé : a) les caractéristiques de résistances et de compliance du patient, b) les résistances extrinsèques (sonde d'intubation, etc.) ; c) les modalités de la ventilation (tableau III).
Mesure de la PEPi en ventilation contrôlée
La PEPi n'est pas détectée par les moyens de monitorage respiratoire standard, car la mesure de la pression au niveau de la pièce en Y ne reflète pas la pression dans les zones alvéolaires.
En ventilation contrôlée, la méthode de référence est la mesure de la pression dans les voies aériennes après une occlusion en fin d'expiration (figure 2-A).
On peut également mesurer la PEPi de façon indirecte, par l'enregistrement simultané du débit expiratoire et de la pression au moment de l'ouverture des voies aériennes. Le changement de pression qui précède le débit inspiratoire reflète la pression nécessaire pour contrebalancer la PEPi. La valeur de cette PEPi « dynamique » est inférieure à celle obtenue par occlusion télé-expiratoire, car elle ne prend pas en compte la totalité des régions pulmonaires ayant des constantes de temps différentes. Enfin, une simple indication sur l'existence ou non d'une PEPi (sans quantification possible), peut être obtenue par la courbe du débit expiratoire en fonction du temps : l'interruption brutale du débit expiratoire par l'insufflation suivante traduit une expiration incomplète et donc l'existence d'une PEPi (figure 2-B) [40]. Un respirateur qui dispose d'une de ces fonctions est utile en peropératoire.
Tableau III. Déterminants de l'hyperinflation dynamique et de la PEPi et propositions pour réduire la PEEPi sous ventilation mécanique. Origines de la PEEPi
Traitement de la PEPi
Facteurs intrinsèques
Mécanique
Mode respiratoire
Résistances expiratoires
Compliance respiratoire
Fréquence respiratoire
Volume courant
Ti/TTot
Réduction des résistances respiratoires
Bronchodilatateurs
Aspirations fréquentes
Système à faibles résistances
Réglage du ventilateur
Diminuer la fréquence respiratoire
Augmenter le temps expiratoire
Diminuer le volume courant
Diminution des besoins ventilatoires
Diminution des apports glucidiques
Diminution de l'espace mort
Diminution de l'effort musculaire
Facteurs extrinsèques
Résistances
Réglages
Sonde endotrachéale
Ventilateurs
Fréquence
I : E
Volume inspiratoire
Ti : temps inspiratoire ; TTot : temps total.
Figure 2. Évaluation de la PEEPi chez un patient sous ventilation mécanique. A : mesure de la PEEPi par la méthode d'occlusion téléexpiratoire. B : estimation non quantifiée de la présence d'une PEEPi par l'interruption brutale du débit expiratoire par l'insufflation suivante (flèche).
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Conséquences de l'hyperinflation dynamique
Effets sur l'hématose
La PEPi peut éviter la dégradation de l'hématose chez les patients emphysémateux, en évitant la baisse de CRF et le shunt entraîné par l'anesthésie générale. Cependant, cet effet peut être masqué par l'inadéquation du rapport VA/Q. De plus, ce phénomène est modéré et les effets de l'hyperinflation dynamique sont le plus souvent délétères.
Barotraumatisme
Contrairement à l'emphysème bulleux, où le risque de pneumothorax est majeur, la PEEPi n'aggrave que modérément le risque de barotraumatisme, défini par la présence d'air en dehors des voies aériennes et des alvéoles [41].
En revanche, l'augmentation de volume pourrait être un élément critique pour l'aggravation des lésions alvéolaires. Le poumon emphysémateux est particulièrement vulnérable, en raison des destructions parenchymateuses sous-jacentes. Le volume alvéolaire étant difficilement mesurable, l'attention s'est portée sur le contrôle de la pression. La réduction du barotraumatisme est probablement plus efficacement atteinte en réduisant l'hyperinflation dynamique, et en laissant un temps suffisant pour l'expiration, qu'en réduisant la pression d'insufflation du ventilateur. Il n'y a pas de consensus concernant le niveau de pression d'insufflation maximal, habituellement réglé à 30 cmH2O. Ce point n'est peut être pas le plus important, car la pression générée dans les voies aériennes supérieures est imparfaitement transmise aux alvéoles.
Effets cardiovasculaires
La PEPi a un effet important sur la fonction cardiovasculaire : a) diminution du gradient de pression transdiaphragmatique nécessaire au retour veineux ; b) effet de tamponnade, réduisant le remplissage diastolique des ventricules ; c) compression des vaisseaux intrapulmonaires, augmentant l'impédance à l'éjection du VDt ; d) majoration du phénomène de dépendance interventriculaire, et réduction de la compliance du ventricule gauche (VG). L'aplatissement ou la déviation vers la gauche du septum perturbe la géométrie du VG et altère l'efficacité de la contraction. La contribution relative de ces différents mécanismes dans l'altération de l'hémodynamique est variable, dépendant notamment de la volémie et de la fonction du VDt, mais le résultat net de ces perturbations est une baisse du débit cardiaque et de la PA, pouvant conduire à une inefficacité circulatoire [42].
Traitement de l'hyperinflation dynamique et de la PEPi
L'hyperinflation dynamique peut être réduite par l'allongement du temps expiratoire et la diminution du volume courant (tableau II). La fréquence respiratoire doit être réduite à 10 c·min-1 environ et le rapport I : E réglé à 1 : 3-4. L'allongement du temps expiratoire au-delà de 4 à 5 secondes est cependant inutile, car le débit expiratoire devient alors extrêmement faible. Le temps inspiratoire est également réduit, ce qui conduit à augmenter le débit inspiratoire et de ce fait la pression d'insufflation. Ce dernier point n'a probablement pas une importance majeure en cas de BPCO, car la pression alvéolaire est peu modifiée. Le choix entre un mode pression- ou volume-contrôlé ne paraît pas non plus déterminant, bien que la régulation de la pression soit souvent préférée.
Une réduction du volume courant peut réduire dans une certaine mesure l'hyperinflation dynamique. Les limites en sont l'hypercapnie et les effets indésirables liés à l'acidose respiratoire [43]. Dans l'obstruction bronchique sévère, l'hypercapnie permissive est bien tolérée et est associée à une amélioration du pronostic du patient. Chez des patients emphysémateux opérés en chirurgie thoracique, un travail préliminaire a montré qu'une hypoventilation contrôlée de courte durée (PaCO2 entre 70 et 135 mmHg) était bien tolérée [44]. La bonne tolérance de ces valeurs extrêmes doit être confirmée, mais il est probable que des niveaux d'hypercapnie transitoire (PaCO2 80 mmHg et pH 7,15) sont acceptables [43]. La réduction des besoins en oxygène et de la production de CO2 sont également un moyen de réduire l'hypercapnie, et peuvent être atteints par un relâchement musculaire complet.
Préoxygénation et induction anesthésique
Le monitorage invasif de la pression artérielle est d'indication large en peropératoire, pour le contrôle du retentissement hémodynamique de la ventilation mécanique et la mesure des gaz du sang. En raison de la perturbation de l'expiration, la composition des gaz expiratoires mesurée au niveau de la pièce en Y ne reflète pas celle des gaz alvéolaires moyen. Le gradient entre la PaCO2 et la FECO2 est augmenté d'une manière souvent importante, mais non prévisible.
La modification des volumes et des flux gazeux change la vitesse de préoxygénation avant l'induction de l'anesthésie. Il a été montré que l'élévation de la FEO2 jusqu'à la valeur de 90 % était ralentie dans l'emphysème grave [45]. Ces résultats suggèrent qu'un temps de préoxygénation plus long soit nécessaire pour remplacer l'air par de l'oxygène dans les zones emphysémateuses du poumon. Cependant, il est difficile de prévoir la durée d'apnée sans hypoxémie après l'induction.
En l'absence de données permettant de privilégier une technique particulière, une induction anesthésique intraveineuse classique est le plus souvent rapportée [46]. L'utilisation du protoxyde d'azote n'est pas recommandée [47].
Bronchospasme peranesthésique
L'obstruction bronchique est le plus souvent fixée chez l'emphysémateux, et est donc assez peu sensible aux bronchodilatateurs. Cependant, la survenue d'un bronchospasme d'origine réflexe, à point de départ dans les voies aériennes est fréquente.
L'administration préventive de bêta 2-mimétiques tels que l'albutérol est efficace pour réduire le risque de bronchospasme au moment de l'induction anesthésique [48]. La lidocaine par voie intraveineuse, est peu efficace lorsqu'elle est administrée seule, mais pourrait renforcer l'effet des bêta 2-mimétiques inhalés [49]. Enfin, une méta-analyse récente regroupant 9 études portant sur 859 patients rapporte l'efficacité du sulfate de magnésium intraveineux dans le traitement du bronchospasme [50] [51].
L'effet bronchodilatateur de certains agents halogénés est utile pour corriger un bronchospasme induit par l'intubation orotrachéale. Cet effet est net avec l'halothane, l'isoflurane et le sévoflurane [52] [53] [54].
Une prévention du bronchospasme peut également être obtenue par une anesthésie intraveineuse totale. Le propofol n'exerce pas d'effet bronchodilatateur propre et des cas de bronchospasme ont été rapportés avec ce produit [55]. Cependant, en induisant un niveau d'anesthésie suffisamment profond, il peut prévenir la survenue d'un bronchospasme d'origine réflexe lié aux manipulations sur les voies aériennes supérieures [56]. DeSouza et al. [46] ont comparé l'isoflurane et le propofol comme agent d'entretien, après une induction par le propofol chez 60 patients bronchopathes. Ils n'ont pas retrouvé de différence entre les 2 agents pour les paramètres respiratoires mesurés (compliance dynamique et statique et le débit expiratoire de pointe), en dehors d'une élévation postopératoire de la PaCO2 dans le groupe propofol et une baisse dans le groupe isoflurane.
Hypotension artérielle peranesthésique
La survenue d'une hypotension artérielle est fréquente sous ventilation mécanique. Elle peut être liée directement à la maladie respiratoire (perte de l'effet pompe intrathoracique, hyperinflation dynamique), à une complication aiguë (pneumothorax ou complication cardiaque) ou à l'effet des agents anesthésiques. Le retentissement hémodynamique de l'hyperinflation dynamique doit être recherché en première intention. En l'absence de mesure de la PEPi, l'amélioration de l'hypotension après déconnexion du respirateur pendant 5 à 10 secondes est très évocatrice. En dehors de l'ischémie myocardique, le facteur commun à toutes ces causes est une baisse du retour veineux, justifiant un test thérapeutique avec un vasopresseur et une expansion volémique progressive et titrée.
Période de réveil et sevrage de la ventilation
L'extubation précoce des patients est souhaitable en raison des difficultés à maintenir une hypoventilation contrôlée pendant une période prolongée.
Cependant, un retard de réveil est fréquent chez ces patients. Lorsqu'une anesthésie par inhalation a été utilisée, le retard de réveil peut être lié à un retard d'élimination des gaz anesthésiques en raison de l'espace mort et du trapping gazeux. De plus, la mesure téléexpiratoire de la concentration d'halogénés sous-estime de façon importante la concentration résiduelle d'anesthésique, ce qui peut perturber la gestion de la phase de réveil. Le recours à une anesthésie intraveineuse totale ne permet pas de régler définitivement le problème du retard de réveil. L'intérêt d'agents anesthésiques d'action ultracourte tels que le rémifentanil reste à évaluer. Le rôle de l'hypercapnie et de l'acidose dans le retard de réveil est mal connu, mais est probablement modéré, le degré de narcose n'étant pas corrélé à la PaCO2.
D'autre part, une hyperinflation dynamique est constante lors de la reprise de la ventilation spontanée, pour les mêmes raisons qu'en ventilation contrôlée. En plus de ses conséquences déjà décrites, elle a un coût énergétique important. Le diaphragme travaille dans une position de moins bon rendement. De plus, la PEPi représente une charge de travail inspiratoire, qui doit être contrebalancée par les muscles diaphragmatiques avant qu'ils ne puissent générer un flux inspiratoire.
La ventilation non invasive au masque est un progrès important dans la prise en charge des patients ayant une obstruction bronchique, permettant d'éviter le recours à l'intubation trachéale. Récemment, il a été montré que la ventilation au masque en mode Bi-PAP, réduisait le recours à la ventilation mécanique traditionnelle après chirurgie thoracique et réduisait la mortalité [57]. Dans ces modes d'assistance, le ventilateur fournit une partie du travail inspiratoire [58]. Cependant, les muscles inspiratoires doivent toujours fournir le travail nécessaire pour passer de la valeur de PEPi au seuil de déclenchement du respirateur [59].
L'optimisation respiratoire repose sur le ralentissement de la fréquence respiratoire, l'application d'une PEP extrinsèque (PEPe) et le traitement du bronchospasme [41]. Le ralentissement de la fréquence respiratoire peut être obtenu par l'application d'une assistance respiratoire partielle (VS-aide inspiratoire ou mode Bi-PAP) [60]. L'application d'une PEPe (85 % de la valeur de la PEPi), permet de réduire la charge inspiratoire que représente la PEPi, sans augmenter l'hyperinflation dynamique. La détermination du niveau de PEPe à appliquer est difficile car la mesure de la PEPi par les techniques habituelles d'occlusion téléexpiratoire sont le plus souvent inapplicables en ventilation spontanée. La mesure de la PEPi impose de mesurer simultanément la variation de pression pleurale (estimée par la pression œsophagienne) et le débit inspiratoire, ce qui est en pratique difficile. De façon empirique, l'application d'un faible niveau de PEPe (5 à 6 cmH2O) apparaît utile chez ces patients.
Le traitement du bronchospasme est également un point important de la prise en charge. Les bronchodilatateurs inhalés doivent être utilisés largement, et un relais par bêta 2-agonistes par voie intraveineuse est souvent utile.
La démarche diagnostique devant une détresse respiratoire postopératoire n'est pas spécifique à l'emphysème, mais deux points doivent être soulignés.
Le diagnostic de pneumopathies est difficile, car les signes cliniques, notamment la majoration de la dyspnée ou l'augmentation des besoins en oxygène sont peu spécifiques. Par extension de ce qui est rapporté dans les décompensations aiguës de BPCO, il existe des arguments pour proposer une ventilation non invasive dès les premiers signes de majoration de la dyspnée, de façon à réduire la fatigue respiratoire. Bien que non spécifiquement étudié dans cette population, il a été montré récemment que la ventilation au masque en mode Bi-PAP, permettait d'éviter la réintubation et réduisait la mortalité après chirurgie thoracique.
Certains auteurs recommandent de diminuer la FIO2 avant le réveil, de façon à éviter l'inhibition de la commande centrale pouvant majorer la dépression respiratoire, mais ce point reste controversé. L'administration d'oxygène doit être ensuite ajustée de façon à maintenir une SpO2 entre 90 et 95 % [2] [60] [61].
Analgésie postopératoire
Le recours aux techniques d'analgésie multimodales et locorégionales doit être large chez les patients emphysémateux, en raison du risque de dépression respiratoire induits par les morphiniques.
L'administration de morphiniques par voie intrathécale n'est pas recommandée, car elle expose à un risque de dépression respiratoire [62]. L'association d'analgésie locorégionale à une analgésie par la morphine intraveineuse peut majorer la dépression respiratoire de la morphine [63].
L'abord chirurgical sus-ombilical, thoracique ou sous-costal entraîne une baisse de la CRF précoce et prolongée, et une altération de la fonction diaphragmatique. L'analgésie péridurale associant un anesthésique local et un morphinique à faible concentration permet d'obtenir une bonne qualité d'analgésie après chirurgie intra-abdominale, avec un risque de dépression respiratoire très faible [64] [65]. Elle a peu d'effet propre sur la mécanique respiratoire et pourrait limiter dans une certaine mesure les effets de la chirurgie sur la fonction respiratoire [38] [66]. Bien que le bénéfice de ce type d'analgésie en terme de réduction des complications respiratoires soit inconstamment rapporté, une méta-analyse récente a montré que ces techniques pouvaient réduire la morbidité respiratoire postopératoire [67] [68].
Le bloc interscalénique pour l'analgésie après chirurgie de l'épaule est contre-indiqué en raison de son effet sur le nerf phrénique homolatéral [37].
CHIRURGIE DE RÉDUCTION DE VOLUME PULMONAIRE
La réduction de volume pulmonaire (RVP) est une technique décrite en 1957 et rapidement abandonnée en raison d'une mortalité périopératoire immédiate élevée. Elle a été redécouverte en 1995 par l'équipe de Cooper qui a bénéficié de l'amélioration des techniques de chirurgie thoracique et d'anesthésie-réanimation périopératoire [69]. Le principe de la RVP est de retirer du parenchyme pulmonaire pour recréer une traction sur les structures pulmonaires et restaurer dans une certaine mesure les forces de rappel élastiques dans le poumon restant. La pression motrice expiratoire augmente et l'obstruction bronchique diminue. La RVP consiste en l'exérèse, après agrafage à la pince automatique, des parties les plus pathologiques du poumon emphysémateux, repérées sur la scanographique thoracique. Ces résections multiples ne suivent pas la distribution anatomique en lobes ou segments, et entraîne une suppression de 20 à 30 % du parenchyme pulmonaire. La pneumostase sur la tranche de section est difficile (agrafes et surjet) et les fuites prolongées sont fréquentes.
Effet de la réduction de volume pulmonaire sur la fonction pulmonaire
Cooper et al. ont rapporté une amélioration moyenne de 82 % du VEMS, 6 mois après une chirurgie de RVP bilatérale effectuée par sternotomie [69]. Les études suivantes (plus d'un cinquantaine à ce jour) ont rapporté une amélioration moins marquée, des paramètres fonctionnels, spirométriques ou de qualité de vie (tableau I) [70] [72]. Une augmentation de la capacité d'effort est habituellement rapportée, comme en témoigne l'augmentation de la distance parcourue en 6 min et de la VO2 max [73].
L'hématose au repos et les besoins en O2 sont peu modifiés après RVP [74]. Dans le travail de Keenan et al., 17 % des patients opérés seulement ont pu être sevré de l'oxygène et 25 % ont vu leurs besoins en oxygène diminués [75]. Ces données restent controversées en raison de l'absence de consensus sur les indications de l'O2 [69] [70] [71].
La réduction de la dyspnée est en revanche un point très positif de la RVP, rapportée dans la plupart des études, avec là encore une dispersion des résultats. Dans une série de 145 patients opérés par thoracoscopie, l'amélioration du score de dyspnée était modérée dans 1/3 des cas, importante ( 2 grades) dans plus de la moitié des cas et nulle chez les autres patients [76]. Il est remarquable que l'amélioration de la dyspnée est mal corrélée à l'amélioration du VEMS ou de la réduction de l'hyperinflation pulmonaire. La qualité de vie est également améliorée de façon globale par la chirurgie, mais là encore, cette amélioration n'est pas corrélée à la correction d'un paramètre physiologique [77].
Bases physiopathologiques de l'amélioration
après réduction de volume pulmonaire
Le mécanisme de l'augmentation du débit expiratoire après RVP est actuellement mieux compris [73]. L'effet principal est une augmentation de la pression motrice expiratoire, alors que les résistances des voies aériennes et la résistance des bronches au collapsus lors de l'expiration ne sont que peu modifiées [78]. L'augmentation de la pression motrice est due à l'augmentation de la force de rappel élastique et est corrélée à l'amélioration du VEMS et de la capacité à l'effort du patient [71]. Le mécanisme exact de l'augmentation du rappel élastique n'est pas clairement établi et ferait intervenir une meilleure transmission des forces élastiques sur le poumon restant et le recrutement de zones de parenchyme qui étaient comprimées par les zones les plus distendues.
L'amélioration de la dyspnée fait intervenir également d'autres mécanismes, mettant en jeu le mode ventilatoire : l'amélioration de la compliance dynamique du poumon, qui est très précoce, est corrélée à la diminution de la dyspnée. La réduction de l'inhomogénéité des constantes de temps qu'elle implique joue également un rôle favorable dans la qualité de l'expiration [79]. La diminution de l'hyperinflation dynamique a un effet favorable sur le travail des muscles inspiratoires (allongement des fibres diaphragmatiques, diminution de l'angle costo-diaphragmatique) et diminue les mouvements paradoxaux des muscles abdominaux [80]. Ceci se traduit par une augmentation de la force des muscles inspiratoires et une diminution proportionnelle de l'hyperstimulation nerveuse diaphragmatique, suggérant meilleure fonction diaphragmatique [80] [81]. Cette diminution de la PEPi se traduit par une diminution du travail inspiratoire (de 50 % dans le travail de Tschernko et al.), également impliquée dans la diminution de la dyspnée [79] [82].
Controverses actuelles sur la chirurgie de réduction de volume pulmonaire
Quel que soit le paramètre considéré, les résultats de la RVP restent très variables d'un patient à l'autre, certains patients ne bénéficiant pas du tout, voire étant aggravés par la chirurgie. La sélection des patients apparaît donc un élément déterminant de la qualité des résultats (tableau IV) [21]. Bien que plusieurs grandes séries rapportant un effet bénéfique de la chirurgie aient été publiées et que des milliers de patients aient été opérés, la question du bénéfice de la RVP par rapport au traitement médical, notamment de son effet sur la mortalité, et le problème de la sélection des patients restent posés [83]. Pour répondre à ces questions dans les années qui viennent, le National Institute of Health et Medicare aux États-Unis ont créé dans un projet commun le National Emphysema Treatment Trial (NETT), qui doit étudier de façon randomisée par rapport à un traitement médical, tous les patients proposés pour la chirurgie de RVP [21].
Tableau IV. Sélection des patients pour une RVP ou une transplantation pulmonaire en Europe. Entre parenthèses : critères nord-américains. D'après Tschernko [107]. Indications de la RVP
Indications de la transplantation
Emphysème diffus
Arrêt du tabagisme > 6 (1) m
Âge < 75 ans
VEMS 20-40 % (15-35 %) th
PaCO2 < 65 (55) mmHg
Prednisone < 20 mg·j-1
PAPsystolique < 50 mmHg
Absence de bronchite chronique ou asthme
Absence de comorbidité grave
Coopération du patient au traitement
VEMS après bronchodilatateurs < 25 % th
Hypoxémie au repos : PaO2 < 55-60 mmHg
Hypercapnie : PaCO2 > 55 mmHg
Insuffisance ventriculaire droite
Évolution rapide de la maladie (VEMS)
Absence de comorbidité grave
Coopération du patient au traitement
Comparaison entre chirurgie et traitement médical
Les études contrôlées comparant traitement médical et RVP sont actuellement peu nombreuses, alors qu'elles sont indispensables pour évaluer réellement le bénéfice que l'on peut attendre de la chirurgie. Criner et al. ont comparé le résultat d'un traitement de réhabilitation médicale à celui de la chirurgie de RVP bilatérale par sternotomie [84]. Une augmentation de 0,2 L du VEMS, et une diminution de 0,9 L de la capacité pulmonaire totale était observée à 3 mois dans le groupe RVP. Il y avait également une augmentation minime mais significative du 6-MWT (337 ± 99 m versus 282 ± 100 m) et de la VO2.
Plus récemment, Geddes et al. ont comparé l'évolution après RVP bilatérale par sternotomie ou traitement médical chez 48 patients [70]. À six mois, le VEMS et le 6-MWT étaient augmentés de 70 mL et de 50 m respectivement dans le groupe opéré et diminué de 50 mL et 20 m dans le groupe traité médicalement. Il est clair que les résultats du NETT sont très attendus.
Résultats à terme de la réduction de volume pulmonaire
La durée du résultat fonctionnel et l'effet sur le pronostic vital à terme de la chirurgie de RVP sont mal documentés [85]. Dans le travail de Gelb et al., un bénéfice fonctionnel était retrouvé chez un tiers des patients, trois ans après une RVP bilatérale [86]. Geddes et al. [70] ont montré que le bénéfice immédiat de la chirurgie s'épuisait progressivement et de façon parallèle à l'évolution naturelle de la maladie sous traitement médical seul (figure 3).
La mortalité périopératoire (à 1 mois ou hospitalière selon les études) varie de 0 à 19 %. Elle pourrait être sous-estimée par le suivi imparfait des patients dans la plupart des séries [87]. La survie actuarielle, évaluée sur une série de 673 patients, était respectivement de 90, 81 et 74 %, 1, 2 et 3 ans après chirurgie bilatérale par thoracoscopie [88]. Ceci est à comparer à l'évolution naturelle, finalement peu différente, de la maladie. Ceci suggère que la RVP est capable de retarder transitoirement l'évolution de la maladie, mais le bénéfice en terme de réduction de mortalité reste incertain.
Figure 3. Évolution du VEMS et du score de qualité de vie 3, 6 et 12 mois après traitement chirurgical (RVP) ou traitement médical d'un emphysème grave. D'après Geddes et al. [70].
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Choix de la technique chirurgicale
La chirurgie bilatérale a un effet fonctionnel plus marqué que celui de la chirurgie unilatérale. La mortalité à moyen terme est inférieure, au prix d'une mortalité périopératoire immédiate et d'une incidence de complications graves plus élevées. De ce fait, certaines équipes réalisent une intervention en deux temps, parfois séparées de plusieurs mois. La technique de résection après agrafage et pneumostase par surjet sur la tranche de section est supérieure à la résection par laser, en termes de résultats fonctionnels et de fuites aériennes. Le choix entre les différentes voies d'abord possibles (thoracotomie vs sternotomie médiane, chirurgie conventionnelle vs thoracoscopie) est actuellement affaire d'écoles.
Évaluation préopératoire
La grande variabilité des résultats et l'absence de bénéfice de l'intervention chez 10 à 20 % des patients suggère que toutes les formes d'emphysème ne bénéficient pas de la RVP. Les épreuves fonctionnelles permettent de quantifier la gravité de l'emphysème. Plusieurs études ont confirmé que la RVP n'était pas une solution satisfaisante dans les formes les plus graves de la maladie (DLCO < 20 ou 30 % et mauvais état fonctionnel (6-MWT) < 150 m) et chez les sujets âgés [70] [89] [90].
Certains paramètres fonctionnels pourraient également être utiles pour prédire les résultats de la chirurgie. La PEPi et dans une moindre mesure le travail respiratoire préopératoires sont bien corrélés à l'amélioration du VEMS et du score de dyspnée postopératoire [82].
L'existence d'une HTAP ou d'une hypercapnie (PaCO2 > 55 mmHg) augmente le risque périopératoire de manière importante et représente une contre-indication à la chirurgie. La RVP, en réduisant le lit artériel pulmonaire, peut aggraver une HTAP préexistante (PAP moyenne > 35 mmHg) [31]. En revanche, la RVP ne modifie pas de façon significative la PAP au repos ou son augmentation à l'effort dans l'HTAP modérée (< 35 mmHg) [91]. Le rôle délétère de l'hypercapnie est plus controversé, car certains patients hypercapniques ont été opérés avec des résultats satisfaisants [84] [92].
Ces tests fonctionnels ne sont pas suffisants pour identifier précisément les patients candidats à la chirurgie [93] [94] [95]. La scanographie thoracique apparaît actuellement un outil indispensable pour évaluer la sévérité et la distribution des lésions emphysémateuses et permet de guider le choix des zones à réséquer. Des scores radiologiques simples permettent de différentier les lésions très hétérogènes, hétérogènes et homogènes [74] [96]. L'étude NETT montre également que les lésions homogènes sévères exposent à une mortalité et un bénéfice fonctionnel plus faibles que les lésions hétérogènes [90].
Prise en charge périopératoire
Les principes de prise en charge décrits pour la chirurgie générale sont applicables à la chirurgie de RVP, mais plusieurs problèmes sont spécifiques.
Gestion de la ventilation unipulmonaire peropératoire
Une alternance de périodes de ventilation unipulmonaire pour la résection des bandes de poumon et de re-ventilation pour en observer l'effet est nécessaire. Le choix de la technique d'exclusion n'est pas documenté, mais repose habituellement sur une sonde à double lumière [97] [98]. Les critères cliniques de mise en place correcte de la sonde (auscultation, technique des bulles) sont toujours pris en défaut et un contrôle fibroscopique est indispensable.
La ventilation unipulmonaire majore de façon importante la PEPi, qui passe de 12 ± 7 à 16 ± 4 cmH2O dans le travail de Ducros et al. [39]. Cette augmentation est corrélée aux paramètres d'obstruction bronchique préopératoires [39] [99]. L'ajustement des paramètres ventilatoires (fréquence respiratoire, temps expiratoire) est limité car déjà optimisé en ventilation bipulmonaire (cf. supra) et la seule alternative est la réduction de la ventilation. Une étude a évalué le retentissement d'une ventilation à une fréquence de 10 c·min-1, un I : E réglé à 1 : 4 et une pression d'insufflation à 12 cmH2O chez 10 patients emphysémateux en ventilation unipulmonaire [44]. Le volume minute était de 3 à 4 mL·kg-1 et une hypercapnie entre 70 et 135 mmHg, bien tolérée, était observée. La PEPi peut avoir un effet délétère sur la PaO2, car l'augmentation des résistances vasculaires pulmonaires dans le poumon ventilé détourne le sang vers le poumon non ventilé, augmentant le shunt. Cependant, l'hypoxémie n'apparaît pas plus fréquente chez l'emphysémateux et son traitement repose sur les mêmes principes [39]. Le choix de l'agent anesthésique (halogéné versus propofol) ne paraît pas être un élément déterminant [100]. En revanche, la péridurale thoracique associée à l'anesthésie générale pourrait majorer l'hypoxémie et ne devrait être utilisée qu'en fin d'intervention [101].
Réanimation postopératoire
L'extubation est le plus souvent possible au bloc opératoire [2] [71]. Il est important de noter que l'effet favorable de la RVP sur la fonction respiratoire n'est pas immédiat [102]. La compliance pulmonaire augmente dès la fin de l'intervention, ce qui traduit l'augmentation de la force de rappel élastique et représente un effet bénéfique. En revanche, les résistances des voies aériennes augmentent de manière très marquée immédiatement après l'intervention, en raison du traumatisme chirurgical et de la ventilation unipulmonaire [102]. Cet effet augmente le travail respiratoire et est donc particulièrement délétère en postopératoire. Ceci explique en partie la fréquence des détresses respiratoires postopératoires après RVP. Chatila et al. [103] ont étudié l'incidence et les causes de détresse respiratoire (définie par une dépendance du respirateur > 24 heures ou la réintubation du patient) chez 72 patients opérés de RVP (associé à un pontage aorto-coronaire dans 7 cas...) : 29 % des patients ont développé une insuffisance respiratoire postopératoire. Un pneumothorax est survenu dans 19 % des cas et un syndrome de détresse respiratoire de l'adulte dans 5 %. Au total, 25 % des patients ont été réintubés pour une hypoxémie, 43 % pour une hypercapnie et 33 % en raison d'une instabilité hémodynamique. Les facteurs prédictifs étaient un âge plus élevé et une insuffisance coronaire associée. La mortalité des patients ayant développé une insuffisance respiratoire était de 33 % (0 % en l'absence de détresse respiratoire).
Les complications postopératoire immédiates sont souvent mal décrites dans la littérature (tableau V). Les plus fréquentes sont les fuites gazeuses imposant un drainage prolongé, l'insuffisance respiratoire aiguë et les pneumopathies nosocomiales.
Tableau V. Complications les plus fréquentes après réduction de volume pulmonaire.
% (RVP bilatérale)
Complications
Fuite aérienne (prolongée)
Pneumopathie
Complications gastrointestinales
Arythmie
Sevrage impossible (trachéotomie)
Reprise pour hémorragie
68 (6)
14
8,3
8
6
3
Mortalité
Insuffisance respiratoire
Pneumopathie
Décès de cause cardiaque
Sepsis
Défaillance multiviscérale
2
0,9
1,5
0,9
1,2
Le bronchospasme et l'encombrement sont constants en période postopératoire, ce qui justifie des mesures actives : bronchodilatateurs par voie inhalée et/ou intraveineuse, kinésithérapie répétée et éventuellement fibro-aspiration en cas d'atélectasie persistante malgré une kinésithérapie efficace. La qualité de l'analgésie est un point déterminant de cette prise en charge et fait appel à des techniques locorégionales. L'analgésie péridurale thoracique avec des anesthésiques locaux (bupivacaïne 0,1 à 0,125 %) et un morphinique (fentanyl, 1 g·mL-1 par exemple) à faibles concentrations est la méthode la plus utilisée [98]. Son retentissement hémodynamique et respiratoire est très modéré et la tolérance est excellente. L'association à des anti-inflammatoires non stéroïdiens, sous réserve du respect des contre-indications, permet d'améliorer la qualité de l'analgésie [2] [104]. Récemment, le bloc paravertébral a été proposé pour l'analgésie en chirurgie thoracique avec de bons résultats. Son intérêt dans la RVP unilatérale mériterait d'être évalué.
Les méthodes de ventilation non-invasives doivent être proposées dès les premiers signes de fatigue respiratoire. Les modes de ventilation adaptés sont les modes fournissant une aide inspiratoire avec un seuil de déclenchement faible et un haut débit inspiratoire, et permettant l'application d'une PEP extrinsèque de 4 à 5 cmH2O.
Les complications digestives sont également extrêmement fréquentes après RVP. Sur une série de 287 patients, une complication digestive grave, définie par l'ischémie colique, une hémorragie ou une perforation digestive, une cholécystite ou une pancréatite était rapportée chez 9,4 % des patients [105]. Les facteurs de risque de survenue de ces complications étaient un diabète, une anémie préopératoire, l'utilisation de corticoïdes et l'association de plusieurs antalgiques. La mortalité des patients ayant eu une complication était de 22 %, comparée à la mortalité de 2,3 % chez les patients sans complication digestive.
Récemment la survenue d'une HTAP postopératoire a été décrite, liée à la réduction du lit artériel pulmonaire induit par la chirurgie. C'est une complication grave, qui semblait ne pas être prévisible sur les éléments disponibles en préopératoire [106].
TRANSPLANTATION PULMONAIRE ET EMPHYSÈME
La transplantation est proposée pour les patients ayant un emphysème au stade terminal, ne relevant pas de la RVP [107]. Actuellement 45 % des 1 500 transplantations effectuées dans 150 centres dans le monde concernent l'emphysème. Les premières transplantations étaient bipulmonaires, car on pensait que la ventilation irait préférentiellement au poumon natif et la perfusion au poumon greffé. Cependant, ces craintes n'étaient pas fondées et la transplantation unipulmonaire est pratiquement aussi efficace dans l'emphysème. Les transplantations bipulmonaires sont réservées aux patients ayant une HTAP et aux patients les plus jeunes. Les critères de sélection des patients pour une transplantation sont dans le tableau IV.
CONCLUSION
L'emphysème diffus entraîne une insuffisance respiratoire, due à une obstruction expiratoire importante. Elle est secondaire à une perte des forces de rappel élastique pulmonaire, entraînant une diminution de la pression motrice expiratoire, une augmentation des résistances bronchique. Le principal problème peropératoire est la gestion de l'hyperinflation pulmonaire, majorée par la ventilation mécanique.
Dans les formes sévères de la maladie, la chirurgie de réduction de volume pulmonaire est proposée pour recréer dans une certaine mesure les forces de rappel élastique et améliorer l'expiration. Un bénéfice fonctionnel à court terme est démontré chez certains patients sélectionnés, mais les indications de la chirurgie doivent être affinées. L'équipe d'anesthésie doit gérer la ventilation unipulmonaire et de l'hyperinflation dynamique qui est souvent très marquée en peropératoire et le maintien de la ventilation spontanée dans les premiers jours postopératoires.