Faut-il craindre la tuberculose résistante en France ?
Dr Catherine Desmoulins
Auteurs et déclarations22 mai 2014
Paris, France --Situation paradoxale. D’un côté, la situation de la tuberculose « sensible » s’améliore de façon régulière en France, avec un taux d’incidence annuelle à moins de 8/100 000, ce qui est très bon. De l’autre, sont apparus des cas d’importation de tuberculose de plus en plus résistante qui posent un sérieux problème de prise en charge au sein des hôpitaux. A ce jour, la tuberculose multi et ultrarésistante est sous contrôle du fait de la rareté de ces cas extrêmes en France. Mais que se passerait-il en cas d’augmentation ?
L’apparition de souches résistantes, secondaires à des traitements mal prescrits ou insuffisamment suivis, pourraient bien se multiplier dans le monde et menacer un jour ou l’autre non seulement les grands pays émergents comme l’
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« Dans certains pays, un pourcentage aussi élevé que 35% des nouveaux cas de tuberculose sont multirésistants dès le début. Cela vous donne une idée du baril de poudre sur lequel nous sommes assis » mettait en garde il y a un an la Directrice Générale de l'OMS,
Margaret Chan.
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Pr Elisabeth Bouvet |
« La tuberculose multi-résistante (MDR), définie par la résistance à deux antituberculeux majeurs : isoniazide et rifampicine, est arrivée il y a 25 ans, au moment de l’épidémie de SIDA », rappelle le
Pr Elisabeth Bouvet (infectiologue au CHU Bichat, Paris). « En France, on a toujours été assez épargnés avec un taux de multirésistance inférieur à 1% des cas (entre 50 et 100 cas/an). Le traitement est plus long mais avec les aminosides et les fluoroquinolones, on en arrive à bout.
Puis on a vu apparaître il y a 15 ans des cas d’ultrarésistance (XDR) : en plus de la multirésistance, ces souches sont résistantes aux aminosides (essentiellement l’amikacine) et aux fluoroquinolones, les deux étant utilisées en recours pour les formes multirésistantes. Ces souches ne représentent que quelques pourcentages des souches multirésistantes (entre 20 et 30 cas par an) mais elles sont vraiment très difficiles à traiter ».
En France, ces cas sont principalement issus de foyers d’émergence en Europe de l’Est, Géorgie, Tchétchénie, Roumanie. « Ces personnes viennent souvent volontairement se faire soigner en France car elles savent qu’elles ont une tuberculose multi ou ultra résistante. D’où le cri d’alarme, lancés par quelques médecins hospitaliers confrontés à un nombre croissant de patients » explique le Pr Bouvet.
En effet, prendre en charge un patient porteur d’une tuberculose MDR ou XDR impose une hospitalisation longue (plusieurs mois) car il reste contagieux longtemps, et un isolement pour ne pas contaminer les autres malades. Se surajoutent souvent un problème d’isolement linguistique, des problèmes thérapeutiques liés aux comorbidités ainsi que des problèmes sociaux et de comportements.
« C’est difficile à la fois de trouver la bonne combinaison et de la gérer car les médicaments actifs sont souvent toxiques. Ainsi le linézolide qui au départ n’est pas un antituberculeux s’avère intéressant mais il a une toxicité hématologique et neurologique à surveiller. Il ne faut jamais ajouter un seul médicament car la souche deviendra résistante en quelques semaines mais impérativement plusieurs médicaments (au moins 4 et jusqu’à 7-
. On arrive à recycler des anciens traitements antituberculeux, de deuxième ligne, pour lesquels il y a pas encore de résistances et des antibiotiques comme l’imipénène et l’Augmentin. Et heureusement, deux nouveaux antituberculeux peuvent être utilisés en ATU dont la
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Précision : Toutes les décisions thérapeutiques sont prises en concertation avec le
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Faut-il réinventer le sanatorium ? Pour concilier observance du traitement antituberculeux et isolement, le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] a été identifié par le Ministère de la santé comme un centre dédié à la tuberculose (sanatorium de 60 lits). Cet établissement propose une prise en charge « globale » des patients pour faciliter les 18 à 24 mois d'isolement en sanatorium. |